Communs : biens des communautés villageoises

Communs

Il est grand temps, en France, de croiser les points de vue théoriques des chercheurs avec ceux empiriques des acteurs pour qu’émerge une logique fine des communs proche de la réalité. Actuellement elle est soutenue par un corpus théorique : la théorie d’Ostrom sur une institution humaine comprise entre biens publics et bien privés, l’analyse marxienne de Dardot et Laval des travaux d’Ostrom ; une théorie générale de la coopération (Draperi), une nouvelle occurrence de l’économie sociale et solidaire (Defalvard)… Pour comprendre le fonctionnement des communs et en créer de nouveaux, les contenus qui suivent partent de l’expérience d’un commun très courant en France et pourtant ignoré : les biens des communautés villageoises.

Introduction
Un commun est une communauté humaine biomimétique[1], auto-organisée et autogouvernée par l’intelligence collective de ses membres, réagissant, en temps presque réel, aux modifications de son environnement. Ce sont donc des organismes de progrès qui favorisent le bien-être collectif. Nous devons franchir une difficulté intellectuelle afin d’acquérir une connaissance réelle des communs ; difficulté que les physiciens nomment « paradoxe de l’ornithorynque » ; accepter que cet animal ne soit ni un canard, ni un castor, mais un ornithorynque. Un commun n’est ni une communauté démocratique (Dardot Laval), ni une autre occurrence de l’Économie Sociale et Solidaire (Defalvard) ; mais un commun. Ce n’est donc pas, ici, une institution formelle établie par un projet préalable de caractère politique. Nous pouvons le définir, afin d’apprivoiser la théorie, comme des organismes biomimétiques qui ont une fonction socio-économique : valoriser, au mieux de ses membres, les ressources de leur territoire singulier (finage). Ces ressources peuvent être pléthoriques comme l’énergie ou l’information, ou rares comme une mine d’argent ou l’eau. 

J’écris des communs à partir des plus nombreux en France : les Biens des Communautés Villageoises (BCV) en tant que géographe, membre de BCV importants de mon village de La Garde-Guérin (48800). Les BCV 2021 représentent la partie non appropriée à titre individuel d’un finage, défini comme le territoire sur lequel s’installe, il y a trois mille ans, un clan composé de quelques familles, celtes, par exemple. L’histoire des communs rend compte du développement local progressiste de petites communautés depuis 30 siècles ; ce schéma est général, aux détails près, partout sur Terre. La France connaît d’autres communs que les BCV : prud’homies de pêche en Méditerranée[2], parc à huîtres, compagnies de pilotage dans les ports de commerce, fruitières du Jura[3], la Comédie Française, jardins ouvriers[4], hortillonnages [5]

[1] Ici : imitation sociale des processus mis en œuvre par la nature
[2] Les prud’homies de pêche constituent à la fois une communauté professionnelle et une juridiction de pêcheurs
[3] Le Comté est fabriqué dans environ 150 fromageries de village, appelés fruitières.
[4] Les jardins ouvriers, apparus à la fin du XIXe siècle, sont des parcelles de terrain mises à la disposition des habitants par les municipalités.
[5] Les hortillonnages sont des marais entrecoupés de canaux, où l’on pratique la culture maraîchère.