Jeu

Capitalisme, Jeu23/07/2019

n°= 6; Française des jeux: la plus significative des privatisations 01/06/2019

 
Française des jeux: la plus significative des privatisations 
 

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Il est plus discret pour ce qui concerne la Française des Jeux. Pourtant, elle en dit long sur les choix éthiques et les valeurs qui sous-tendent la politique actuelle. Cette privatisation est commentée (ou critiquée) dans les mêmes termes que les autres, comme si la Française des jeux était une entreprise « comme une autre ». On évoque sa croissance, sa rentabilité, on loue la créativité de ses dirigeants… Et on occulte en même temps ce qui fait sa spécificité, à savoir la relation directe à l’argent qu’elle implique, sans médiation, sans détour, ou, en d’autres termes, la confrontation brutale à la violence de la monnaie. (pour reprendre le titre d’un ouvrage marquant de Orléan et Aglietta).\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eL’espérance d’un gain considérable du seul fait du hasard stimule dans l’être humain les pulsions les plus malsaines, les plus mortifères, et contribue à alimenter la rivalité généralisée et les frustrations concomitantes qui caractérisent nos sociétés néolibérales. De plus, les jeux d’argent et les paris perturbent parfois gravement l’équilibre psychologique des rarissimes gagnants. C’est que la notion même de valeur y est malmenée. Georg Simmel, en fait l’analyse «\u003cem\u003eNous appelons précieuses les choses qui font obstacle à notre désir de les obtenir. (…) les difficultés de son obtention, le travail et l\u0026#8217;attente qui se glissent entre le souhait et son accomplissement (…) L\u0026#8217;objet désiré ne prend davantage de valeur, ou même toute sa valeur, que par la quantité de sacrifice nécessaire pour l\u0026#8217;obtenir. C\u0026#8217;est d\u0026#8217;abord le plaisir de prouver sa force, de vaincre des difficultés, souvent aussi celui de la contradiction qui s\u0026#8217;exprime dans ce processus. Le détour indispensable pour obtenir certaines choses est souvent l\u0026#8217;occasion, mais souvent aussi la cause qui nous les fait ressentir comme précieuses\u003c/em\u003e ».\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_edn1\"\u003e[1]\u003c/a\u003e Il va de soi que le gain au jeu de hasard est aux antipodes de ces conditions. Pierre Bourdieu montre de son côté l’échec du « parvenu » qui dispose de la richesse, mais pas du code social qui l’accompagne chez les « vrais » riches, autrement dit de son « mode d’emploi » transmis lors de la reproduction sociale, indispensable à la reconnaissance recherchée.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eBref. La loterie, c’est profondément immoral, c’est scandaleusement injuste socialement. D’ailleurs, dans l’histoire, les dénonciations et les interdictions prolifèrent : A la fin du XVIIe siècle, les papes bannissent la loterie de Rome ; la révolution l’interdit le 15 novembre 1793 en la qualifiant de « \u003cem\u003efléau inventé par le despotisme\u003c/em\u003e ». Talleyrand la pourfend : \u003cem\u003e\u0026#8221; un tel jeu est à la fois, et au plus haut degré, injuste et immoral, et qu\u0026#8217;aucun prétexte ne peut le sauver d\u0026#8217;une entière proscription \u0026#8221; \u003c/em\u003e; elle est proclamée illégale en 1836, sauf pour les loteries de bienfaisance ; Henri de Montherlant, dans un texte paru en 1943 que m’a signalé Guy Roustang qualifie la loterie de « \u003cem\u003ecomble de la bêtise\u003c/em\u003e » et ironise sur son qualificatif «\u003cem\u003enationale\u003c/em\u003e».\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003ePourtant, elle aussi souvent rétablie… c’est que le jeu d’argent sollicite des ressorts extrêmement puissants, tels que la puissance publique ne peut résister à la tentation de les détourner à son profit. « \u003cem\u003eLes vices privés font les vertus publiques\u003c/em\u003e » disait Mandeville. La loterie en fournit une éclatante illustration ! En effet, il est fréquent que les joueurs soient sollicités pour servir des causes qui ne mobiliseraient en aucune façon leur civisme ! Déjà les souverains chinois se servaient de la loterie pour financer la construction de la grande muraille ; François 1er veut y recourir pour renflouer ses finances, Benjamin Franklin pour acheter des canons au service de la révolution américaine, George Washington pour financer la conquête de l’Ouest, et Thomas Jefferson pour rembourser les dettes de l’Etat. Parfois, les causes servies sont indiscutablement vertueuses : des universités se financent de cette façon ; en France c’est ainsi qu’est fondée en 1758 ce qui allait devenir l’école militaire de Saint-Cyr, et aux Etats Unis au XIXème siècle une cinquantaine d’universités dont Harvard,, Yale, Columbia, ou Princeton. C’est d’ailleurs un élan de solidarité qui est à l’origine de la Loterie nationale, puisque c’est une association d’anciens combattants, « \u003cem\u003eles gueules cassées\u003c/em\u003e » qui lance en 1930 une souscription dont le succès entraîne sa fondation trois ans après. Elle devient « \u003cem\u003eFrançaise des jeux\u003c/em\u003e » en 1976. Le dernier exemple le plus significatif, peut-être, c’est celui que la France de Macron nous fournit : le « \u003cem\u003eloto du patrimoine\u003c/em\u003e », dont la « mission » a été confiée à un animateur de télévision. L’antinomie radicale des valeurs sollicitées par ces deux termes n\u0026#8217;a pas été un obstacle ; pire, il semble qu’elle ne soit même pas perçue. En tous cas, cela s’inscrit logiquement dans la perspective néolibérale de la marchandisation totale de la société, y compris de ses éléments culturels, et de façon générale, illustre la prédominance assumée de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eAvec la privatisation, un nouveau cap (pas le nôtre !) est allègrement franchi. Ces douteux ressorts vont se libérer, non plus pour financer des causes publiques, mais pour assurer de juteux rapports à des entreprises privées. Cette fois, plus ambiguïté, le vice privé sert le vice privé ! Inutile d’entrer dans les arcanes du projet de loi Pacte voté le 11 avril 2019, validé pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel le 16 mai 2019 : ses finalités sont claires. Certes, sa présentation est enrobée dans des précautions verbales : il est affirmé que la puissance publique restera vigilante, qu’une nouvelle autorité supervisera l’ensemble des jeux, que l’Etat gardera suffisamment d’actions (avec le dispositif du vote double) pour contrôler la FDJ, etc. Outre le fait que, comme chacun sait, ce type d’engagements n’engage que ceux qui y croient\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_edn2\"\u003e[2]\u003c/a\u003e, la logique économique de cette privatisation est incontournable : pour qu’elle rapporte à l’Etat, il faut valoriser au maximum les actifs, afin de faire miroiter aux acheteurs potentiels des dividendes futurs alléchants, ce qui implique l’introduction probable en bourse. Pour cela, il est envisagé d’inventer de nouveaux jeux, de les rendre plus attractifs en combinant lieux physiques et internet, de permettre les paris en cours de compétition, d’alléger les contraintes réglementaires, etc. En termes simples, il s’agit de maximiser le nombre de joueurs, et de les encourager à jouer toujours plus. Pour ce qui est des risques d’addictions, de la fraude et de la corruption mécaniquement générées, de l’effet délétère des paris sur le sport ; des possibilités offertes pour le blanchissement, que l’on se rassure, l’Etat veille…. Les addictions au jeu font partie du dispositif général de prise en charge, comme pour la drogue ou l’alcool. Un plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 a été validé par le Premier ministre en décembre 2018. Il y est question de prévention, de repérage précoce, de renforcement des interdictions concernant la jeunesse, mais surtout de développement d’une politique médicale d’accompagnement et de développement de l’addictologie. Autrement dit, un peu de répression, de morale, et surtout de médicalisation du problème. Pour bien comprendre l’absurdité de l’ensemble, imaginons que l’on encourage les achats d’automobile (ce que font d’ailleurs les marques, ne lésinant pas sur la publicité), qu’on incite les conducteurs à rouler toujours plus, toujours plus vite, en supprimant toutes les entraves (limitations de vitesse, radars, etc), et que la sécurité routière soit orientée vers l’efficacité des secours, l’augmentation du nombre d’ambulances, l’amélioration du service d’accueil dans les hôpitaux, et dans les morgues, pour les familles des accidentés. Le cap vers lequel se dirige la politique néolibérale est identifié : c’est celui de la folie.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eEn attendant, ce que Polanyi a analysé concernant le capitalisme autorégulé au XIXème, à savoir la catastrophe sociale que constitue la marchandisation généralisée entraînant la destruction des repères culturels de la société, est clairement en train de se reproduire aujourd’hui : cet exemple de la privatisation de la \u003cem\u003eFrançaise des jeux\u003c/em\u003e est une illustration spectaculaire de la contradiction entre les choix économiques et les valeurs fondamentales qui sont nécessaires à l’équilibre de la société.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eMaurice Merchier \u003c/p\u003e\n\u003cp\u003e\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_ednref1\"\u003e[1]\u003c/a\u003e Georg Simmel, philosophie de l’argent PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 3e édition (8 janvier 2014)\u003cbr /\u003e\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_ednref2\"\u003e[2]\u003c/a\u003e On se souvient des assurances données par Sarkozy que l’entreprise publique GDF ne sera jamais privatisée ; elle est devenue GDF-Suez, puis Engie, dont l’Etat ne détient plus qu’un quart du capital.\u003c/div\u003e\n\u003cdiv\u003e\u0026nbsp;\u003c/div\u003e\n","author":{"node":{"id":"dXNlcjoyMjA1MDY5Nzg="}}}]}},"posts":[{"id":"cG9zdDoxNTg4","title":"n°= 6; Française des jeux: la plus significative des privatisations 01/06/2019","uri":"/2019/07/23/francaisedesjeux/","date":"2019-07-23T08:57:44","categories":{"nodes":[{"name":"Capitalisme","slug":"capitalisme"},{"name":"Jeu","slug":"jeu"}]},"slug":"francaisedesjeux","content":"\u003cdiv\u003e\u0026nbsp;\u003c/div\u003e\n\u003cdiv\u003e\u003cstrong\u003eFrançaise des jeux: la plus significative des privatisations\u003c/strong\u003e\u0026nbsp;\u003c/div\u003e\n\u003cdiv\u003e\u0026nbsp; \u003c/p\u003e\n\u003cfigure data-trix-attachment=\"{\u0026quot;contentType\u0026quot;:\u0026quot;image\u0026quot;,\u0026quot;height\u0026quot;:544,\u0026quot;url\u0026quot;:\u0026quot;https://changement-de-cap.fr/wp-content/uploads/2022/05/tis6o.jpeg\u0026quot;,\u0026quot;width\u0026quot;:1200}\" data-trix-content-type=\"image\" class=\"attachment attachment--preview\"\u003e\u003cimg loading=\"lazy\" decoding=\"async\" src=\"https://i0.wp.com/changement-de-cap.fr/wp-content/uploads/2022/05/tis6o.jpeg?resize=1200%2C544\u0026#038;ssl=1\" width=\"1200\" height=\"544\" data-recalc-dims=\"1\"\u003e\u003cfigcaption class=\"attachment__caption\"\u003e\u003c/figcaption\u003e\u003c/figure\u003e\n\u003cp\u003e\u0026nbsp;\u003c/p\u003e\u003c/div\u003e\n\u003ch1\u003e\u003cstrong\u003eFrançaise des jeux: la plus significative des privatisations\u003c/strong\u003e\u003c/h1\u003e\n\u003cdiv\u003e\u003c/p\u003e\n\u003cfigure data-trix-attachment=\"{\u0026quot;contentType\u0026quot;:\u0026quot;image\u0026quot;,\u0026quot;height\u0026quot;:556,\u0026quot;url\u0026quot;:\u0026quot;https://changement-de-cap.fr/wp-content/uploads/2022/05/tis6u.png\u0026quot;,\u0026quot;width\u0026quot;:688}\" data-trix-content-type=\"image\" class=\"attachment attachment--preview\"\u003e\u003cimg loading=\"lazy\" decoding=\"async\" src=\"https://i0.wp.com/changement-de-cap.fr/wp-content/uploads/2022/05/tis6u.png?resize=688%2C556\u0026#038;ssl=1\" width=\"688\" height=\"556\" data-recalc-dims=\"1\"\u003e\u003cfigcaption class=\"attachment__caption\"\u003e\u003c/figcaption\u003e\u003c/figure\u003e\n\u003cp\u003e\u0026nbsp;\u003c/div\u003e\n\u003cdiv\u003e\u003cstrong\u003eFrançaise des jeux: la plus significative des privatisations\u0026nbsp;\u003c/strong\u003e\u003c/div\u003e\n\u003cdiv\u003e\n\u003cp\u003eLe débat est intense pour ce qui est de la privatisation d’ADP. Il est plus discret pour ce qui concerne la Française des Jeux. Pourtant, elle en dit long sur les choix éthiques et les valeurs qui sous-tendent la politique actuelle. Cette privatisation est commentée (ou critiquée) dans les mêmes termes que les autres, comme si la Française des jeux était une entreprise « comme une autre ». On évoque sa croissance, sa rentabilité, on loue la créativité de ses dirigeants… Et on occulte en même temps ce qui fait sa spécificité, à savoir la relation directe à l’argent qu’elle implique, sans médiation, sans détour, ou, en d’autres termes, la confrontation brutale à la violence de la monnaie. (pour reprendre le titre d’un ouvrage marquant de Orléan et Aglietta).\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eL’espérance d’un gain considérable du seul fait du hasard stimule dans l’être humain les pulsions les plus malsaines, les plus mortifères, et contribue à alimenter la rivalité généralisée et les frustrations concomitantes qui caractérisent nos sociétés néolibérales. De plus, les jeux d’argent et les paris perturbent parfois gravement l’équilibre psychologique des rarissimes gagnants. C’est que la notion même de valeur y est malmenée. Georg Simmel, en fait l’analyse «\u003cem\u003eNous appelons précieuses les choses qui font obstacle à notre désir de les obtenir. (…) les difficultés de son obtention, le travail et l\u0026#8217;attente qui se glissent entre le souhait et son accomplissement (…) L\u0026#8217;objet désiré ne prend davantage de valeur, ou même toute sa valeur, que par la quantité de sacrifice nécessaire pour l\u0026#8217;obtenir. C\u0026#8217;est d\u0026#8217;abord le plaisir de prouver sa force, de vaincre des difficultés, souvent aussi celui de la contradiction qui s\u0026#8217;exprime dans ce processus. 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D’ailleurs, dans l’histoire, les dénonciations et les interdictions prolifèrent : A la fin du XVIIe siècle, les papes bannissent la loterie de Rome ; la révolution l’interdit le 15 novembre 1793 en la qualifiant de « \u003cem\u003efléau inventé par le despotisme\u003c/em\u003e ». Talleyrand la pourfend : \u003cem\u003e\u0026#8221; un tel jeu est à la fois, et au plus haut degré, injuste et immoral, et qu\u0026#8217;aucun prétexte ne peut le sauver d\u0026#8217;une entière proscription \u0026#8221; \u003c/em\u003e; elle est proclamée illégale en 1836, sauf pour les loteries de bienfaisance ; Henri de Montherlant, dans un texte paru en 1943 que m’a signalé Guy Roustang qualifie la loterie de « \u003cem\u003ecomble de la bêtise\u003c/em\u003e » et ironise sur son qualificatif «\u003cem\u003enationale\u003c/em\u003e».\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003ePourtant, elle aussi souvent rétablie… c’est que le jeu d’argent sollicite des ressorts extrêmement puissants, tels que la puissance publique ne peut résister à la tentation de les détourner à son profit. « \u003cem\u003eLes vices privés font les vertus publiques\u003c/em\u003e » disait Mandeville. La loterie en fournit une éclatante illustration ! En effet, il est fréquent que les joueurs soient sollicités pour servir des causes qui ne mobiliseraient en aucune façon leur civisme ! Déjà les souverains chinois se servaient de la loterie pour financer la construction de la grande muraille ; François 1er veut y recourir pour renflouer ses finances, Benjamin Franklin pour acheter des canons au service de la révolution américaine, George Washington pour financer la conquête de l’Ouest, et Thomas Jefferson pour rembourser les dettes de l’Etat. Parfois, les causes servies sont indiscutablement vertueuses : des universités se financent de cette façon ; en France c’est ainsi qu’est fondée en 1758 ce qui allait devenir l’école militaire de Saint-Cyr, et aux Etats Unis au XIXème siècle une cinquantaine d’universités dont Harvard,, Yale, Columbia, ou Princeton. C’est d’ailleurs un élan de solidarité qui est à l’origine de la Loterie nationale, puisque c’est une association d’anciens combattants, « \u003cem\u003eles gueules cassées\u003c/em\u003e » qui lance en 1930 une souscription dont le succès entraîne sa fondation trois ans après. Elle devient « \u003cem\u003eFrançaise des jeux\u003c/em\u003e » en 1976. Le dernier exemple le plus significatif, peut-être, c’est celui que la France de Macron nous fournit : le « \u003cem\u003eloto du patrimoine\u003c/em\u003e », dont la « mission » a été confiée à un animateur de télévision. L’antinomie radicale des valeurs sollicitées par ces deux termes n\u0026#8217;a pas été un obstacle ; pire, il semble qu’elle ne soit même pas perçue. En tous cas, cela s’inscrit logiquement dans la perspective néolibérale de la marchandisation totale de la société, y compris de ses éléments culturels, et de façon générale, illustre la prédominance assumée de l’intérêt individuel sur l’intérêt collectif.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eAvec la privatisation, un nouveau cap (pas le nôtre !) est allègrement franchi. Ces douteux ressorts vont se libérer, non plus pour financer des causes publiques, mais pour assurer de juteux rapports à des entreprises privées. Cette fois, plus ambiguïté, le vice privé sert le vice privé ! Inutile d’entrer dans les arcanes du projet de loi Pacte voté le 11 avril 2019, validé pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel le 16 mai 2019 : ses finalités sont claires. Certes, sa présentation est enrobée dans des précautions verbales : il est affirmé que la puissance publique restera vigilante, qu’une nouvelle autorité supervisera l’ensemble des jeux, que l’Etat gardera suffisamment d’actions (avec le dispositif du vote double) pour contrôler la FDJ, etc. Outre le fait que, comme chacun sait, ce type d’engagements n’engage que ceux qui y croient\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_edn2\"\u003e[2]\u003c/a\u003e, la logique économique de cette privatisation est incontournable : pour qu’elle rapporte à l’Etat, il faut valoriser au maximum les actifs, afin de faire miroiter aux acheteurs potentiels des dividendes futurs alléchants, ce qui implique l’introduction probable en bourse. Pour cela, il est envisagé d’inventer de nouveaux jeux, de les rendre plus attractifs en combinant lieux physiques et internet, de permettre les paris en cours de compétition, d’alléger les contraintes réglementaires, etc. En termes simples, il s’agit de maximiser le nombre de joueurs, et de les encourager à jouer toujours plus. Pour ce qui est des risques d’addictions, de la fraude et de la corruption mécaniquement générées, de l’effet délétère des paris sur le sport ; des possibilités offertes pour le blanchissement, que l’on se rassure, l’Etat veille…. Les addictions au jeu font partie du dispositif général de prise en charge, comme pour la drogue ou l’alcool. Un plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 a été validé par le Premier ministre en décembre 2018. Il y est question de prévention, de repérage précoce, de renforcement des interdictions concernant la jeunesse, mais surtout de développement d’une politique médicale d’accompagnement et de développement de l’addictologie. Autrement dit, un peu de répression, de morale, et surtout de médicalisation du problème. Pour bien comprendre l’absurdité de l’ensemble, imaginons que l’on encourage les achats d’automobile (ce que font d’ailleurs les marques, ne lésinant pas sur la publicité), qu’on incite les conducteurs à rouler toujours plus, toujours plus vite, en supprimant toutes les entraves (limitations de vitesse, radars, etc), et que la sécurité routière soit orientée vers l’efficacité des secours, l’augmentation du nombre d’ambulances, l’amélioration du service d’accueil dans les hôpitaux, et dans les morgues, pour les familles des accidentés. Le cap vers lequel se dirige la politique néolibérale est identifié : c’est celui de la folie.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eEn attendant, ce que Polanyi a analysé concernant le capitalisme autorégulé au XIXème, à savoir la catastrophe sociale que constitue la marchandisation généralisée entraînant la destruction des repères culturels de la société, est clairement en train de se reproduire aujourd’hui : cet exemple de la privatisation de la \u003cem\u003eFrançaise des jeux\u003c/em\u003e est une illustration spectaculaire de la contradiction entre les choix économiques et les valeurs fondamentales qui sont nécessaires à l’équilibre de la société.\u003c/p\u003e\n\u003cp\u003eMaurice Merchier \u003c/p\u003e\n\u003cp\u003e\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_ednref1\"\u003e[1]\u003c/a\u003e Georg Simmel, philosophie de l’argent PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE 3e édition (8 janvier 2014)\u003cbr /\u003e\u003ca href=\"https://xsgl8.mjt.lu/nl2/xsgl8/5t7rl.html?hl=fr#_ednref2\"\u003e[2]\u003c/a\u003e On se souvient des assurances données par Sarkozy que l’entreprise publique GDF ne sera jamais privatisée ; elle est devenue GDF-Suez, puis Engie, dont l’Etat ne détient plus qu’un quart du capital.\u003c/div\u003e\n\u003cdiv\u003e\u0026nbsp;\u003c/div\u003e\n","author":{"node":{"id":"dXNlcjoyMjA1MDY5Nzg="}}}],"slug":"jeu"},"__N_SSG":true},"page":"/categories/[slug]","query":{"slug":"jeu"},"buildId":"_sdH9ugd8IhVEv7MdJkXi","isFallback":false,"isExperimentalCompile":false,"gsp":true,"locale":"fr","locales":["fr"],"defaultLocale":"fr","scriptLoader":[]}