Un logement social, pour qui ?

Logement

Les trois articles sur le logement ont été rédigés par Jean-Pierre Paret en collaboration avec Guy Roustang. J.P.Paret a été directeur général de l’Office public HLM de la ville de Marseille, puis promoteur privé et enfin directeur général de Logirem de 1994 à 2005. Il est actuellement membre du Conseil d’administration de Famille et Provence. J.P.Paret a demandé l’avis de quelques acteurs du logement social avant l’insertion de ces articles dans l’ECC.  

Pour pouvoir prétendre à l’attribution d’un logement H.L.M. les revenus des ménages doivent être inférieurs à un certain plafond de ressources. Les ressources à prendre en compte correspondent à la somme des revenus fiscaux de l’année N-2 de toutes les personnes composant le ménage, soit 2015 pour une attribution en 2017. (Des rumeurs laissent entendre que seraient pris en compte dès 2018  les revenus actuels.)

Trois types de logements sociaux :

Les PLAI (Prêt locatif aidé d’intégration) destiné aux ménages les plus modestes

Les PLUS (Prêt locatif à usage social) le « classique »

Les PLS (Prêt Locatif Social) le « haut de gamme » du logement social.

Ainsi, pour une personne seule le plafond de ressources sera pour 2017

– de 12 733 Euros à Paris et de 11 067 Euros en province (hors Ile de France) pour un PLAI

– de 23 146 Euros à Paris et de 20 123 Euros en Province. (hors  IdF) pour un PLUS

–  de 30 090 Euros à Paris et de 26160 Euros en province (hors IdF) pour un PLS.

Pour une famille (4 personnes ou 1 personne avec 2 personnes à charge) le plafond de ressource sera

-de 29 781 Euros à Paris et de 21 575Euros en province (hors IdF) pour un PLAI

-de 54 141 Euros à Paris et de39 013 Euros en province (hors IdF) pour un PLUS

– de 70383 Euros à Paris et de 50 717 en province en province ( hors IdF) pour un PLS.

Au 1/1/2015 seulement 75 000 nouveaux logements sociaux  livrés (l’USH parle de  100 000  et dans Le Monde du. 27 09 17, 4ème col. Les HLM construisent 100 000 logements par an) dont 87% de neufs et parmi lesquels 20% en VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement), achetés à des promoteurs privés. (Ce taux a fortement augmenté puisqu’il se situe aujourd’hui aux environs de 5O% voire 80% selon les organismes et les années de livraison)

A noter qu’il est très difficile de connaitre exactement le nombre de logements livrés, car parfois, on parle de logements financés ou autorisés et les organismes sociaux ont souvent tendance à gonfler à la fois le nombre de logements en cours de construction ainsi que ceux dont ils sont propriétaires

La répartition de ces nouveaux logements   

Ces plafonds de ressource permettent théoriquement à 75 % de la population française d’accéder à un logement dit social. Mais peut-on encore parler de logement social pour un PLUS sauf peut-être dans des zones extrêmement tendues où les loyers du privé sont très élevés. En réalité 80% des familles « entrantes » aujourd’hui logées par les organismes de logements sociaux ont des revenus inférieurs à 80% des plafonds et 20% des familles logées ont des revenus inférieurs à 20% des plafonds de ressource. Le logement social reste bien attribué aux familles modestes et compte tenu de la crise actuelle et du chômage, les demandeurs de logement ont des ressources toujours plus faibles.

Loyers et charges trop élevés.

Compte tenu du coût de la réalisation de ces logements, et de leurs financements, les loyers de tous ces logements sont trop élevés, notamment pour les logements récents. Ainsi, un loyer pour un T2 en province pourra atteindre 450 Euros par mois (dont 50 Euros de charges) pour un financement PLAI, avec plafond de ressource de 11 000 Euros imposable, soit un taux d’effort de 45% sans l’aide personnalisée au logement, ce qui est le cas lorsque le candidat est proche du plafond. Un T4 récent, toujours financement PLAI, aura un loyer de l’ordre de 500 Euros par mois (dont 60 Euros de charges sans chauffage collectif) pour un plafond de ressource du ménage de 21 575 Euros.

Un candidat locataire à environ 60% du plafond de ressource aura un taux d’effort de plus de 45% avant une éventuelle Aide Personnalisée au logement (APL).

Si un locataire voit ses revenus augmenter sensiblement, il lui sera pratiqué un supplément de loyer de solidarité (S.L.S.), dès que les revenus dépassent 25 à 35 000 Euros imposable pour une personne seule et selon le type de logement et 45 à 65 000 Euros de revenu annuel imposable pour 4 personnes résidentes ou 1 personne avec 2 personnes à charge.

Les charges locatives ont augmenté dans des proportions considérables.

Le coût du chauffage, de l’eau et de l’électricité surtout dans les immeubles anciens peut atteindre des demi-loyers.

Les bailleurs sociaux ont complètement laissé tomber le chauffage collectif (hors eau chaude), qui est beaucoup plus intéressant techniquement et économiquement, au profit des chaudières individuelles   gaz où l’abonnement est dû, même si l’occupant ne se chauffe pas ou se chauffe avec de mauvais poêles à pétrole dangereux pour les habitants et pour le bâti (condensations).

Les vendeurs d’eau, par ailleurs refusent, surtout dans les résidences importantes de poser des compteurs à proximité du logement (comme pour l’électricité) laissant à la charge des habitants les éventuelles fuites sur les canalisations entre le compteur général et les appartements.

A.P.L.
Se greffe en diminution de  ces loyers trop élevés  l’aide personnalisée au logement (APL)  en fonction des revenus des familles. Une partie de cette aide est destinée à alléger les charges locatives. Avec la montée du chômage et de la précarité, l’aide à la personne a augmenté dans des proportions importantes et atteint aujourd’hui 40% des loyers  d’un organisme bailleur et parfois d’avantage selon la population logée. …  Tous les gouvernements successifs depuis plus de 20 ans n’ont cessé de rogner cette APL. Et fin 2017, le gouvernement a décidé de baisser l’APL de 30 à 60 euros par mois. Pour que la mesure soit neutre pour les locataires, les bailleurs sociaux devront baisser les loyers de 30 à 60 Euros.

D’après Le Monde du 16 09 17, selon le périmètre retenu pour la baisse des loyers – les 5 millions de ménages locataires HLM ou les 2,5 millions qui touchent l’aide personnalisée au logement (APL) – la ponction dans les finances des bailleurs sociaux sera de 3 ou 1,5 milliard d’euros. L’Union sociale pour l’habitat qui fédère les 723 organismes HLM a réagi en ces termes le 13 sept. 2017 en fustigeant : « des baisses insoutenables de loyers pour compenser une volonté unilatérale de Bercy de baisser drastiquement les APL. Cela fait courir un risque majeur à un secteur qui loge 11 millions de personnes, produit plus de 100.000 logements sociaux par an et génère 300.000 emplois. »

Cela inquiète aussi les promoteurs immobiliers puisque le secteur social représente 30% de leur production.

Le gouvernement part du principe que les bailleurs sociaux ont des réserves importantes qui leur permettront de réaliser ces baisses de loyer sans grand dommage. Ce qui n’est pas évident. Certes la valeur des 4,5 millions de logements du secteur qui avoisine les 200 milliards d’euros est importante, mais la dette cumulée atteint 160 milliards d’euros en 2017. Et les trésoreries des organismes HLM sont très différentes les unes des autres. Les offices publics dans des territoires en déclin où les loyers baissent, où la vacance progresse n’ont aucune réserve. A l’opposé, un rapport de la Caisse des dépôts et consignations recense une trentaine d’offices ou sociétés HLM « dodus » qui disposent d’un gros potentiel financier.  Dès 2010 sous la pression du gouvernement de l’époque une péréquation des trésoreries avait été mise en place.

Le Monde du 4 nov. 2017 souligne l’injustice de l’art.52 du projet de loi de finances de 2018 « qui épargne le secteur privé alors qu’il consomme plus de la moitié des 18,5 milliards d’euros d’allocation logement » Malgré les protestations d’une vingtaine de députés qui demandaient la suppression de l’art. 52 il est passé. Ce qui a entraîné le commentaire suivant du député communiste de Seine St Denis : « on  a mis 120 ans à construire le modèle de logement social que toute l’Europe nous envie et il peut être défait en deux ou trois ans ». 

Le slogan «Small is beautiful » , qui fit florès à la fin du siècle dernier est aujourd’hui  devenu caduc  dans le monde du logement social. Compte tenu de la volonté de l’exécutif de baisser l’APL et les loyers, les organismes sont maintenant obligés de se regrouper pour continuer à vivre et les plus riches doivent se marier avec les moins aisés. Cette course qui avait commencé déjà quelques années plus tôt aboutit à des sociétés ou des groupes dont le patrimoine dépasse les 100 ou 200 000 logements. Il est certain qu’il est alors possible de disposer d’une ingénierie très forte et efficace. En même temps une gestion sociale de proximité reste indispensable. Une transition numérique bien pensée permettra de changer de mode de gouvernance   pour aboutir à des structures en plateforme où l’information circulera sans entraves, et comme l’observe Michel Serres, où ce n’est plus la hiérarchie et les diplômes qui priment mais la compétence réelle. Tout cela suppose une véritable révolution passant par un rajeunissement des esprits. Cela prendra un peu de temps !