Territoire zéro chômeur.

Economie sociale et solidaireEmploi
C’est déjà une longue histoire pour ATD quart monde, qui est à l’origine de cette réalisation en cours.  Dans le 2ème bilan intermédiaire de l’expérimentation Zéro chômeur de longue durée, Louis Gallois (Président du conseil de surveillance de Peugeot et de la FNARS -Fédération Nationale des Acteurs de la Solidarité) affirme :

La triple conviction de départ est à nouveau vérifiée :  nul n’est inemployable dès lors que l’emploi est adapté aux capacités et aux compétences des personnes. Les travaux utiles, non concurrents des emplois marchands et des emplois publics, sont d’une grande diversité autour des trois thématiques : la cohésion sociale et la lutte contre l’exclusion, la transition écologique et le développement du tissu économique local. Enfin les financements existent dès lors que l’on prend en compte le coût de la privation d’emploi de longue durée pour les collectivités publiques et les recettes générées par la mise à l’emploi au profit de ces mêmes collectivités.
 
Historique de « Territoire zéro chômeur ». ATD ¼ monde a relancé en 2011 un projet qu’il murissait depuis longtemps. Le principe est de transformer des dépenses passives d’indemnisation des chômeurs en dépenses actives de rémunération. Au lieu de percevoir des indemnités de chômage, un chômeur devenu actif bénéficie d’un Contrat à durée indéterminée rémunéré au smic. 
En 2014 un groupe de députés se réunit pour évaluer le projet. Et en février 2016, après plusieurs mois de débat, une proposition de loi est adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Quelques mois plus tard est créé un Fonds d’expérimentation territorial contre le chômage de longue durée qui va permettre de financer les expérimentations. Et en novembre 2016, dix territoires sont sélectionnés pour procéder à une expérimentation. 
 
Partir des territoires, de leur énergie et de leurs besoins. Pour créer des services utiles, qui n’étaient pas satisfaits par l’économie marchande ou les emplois publics il faut avancer au rebours des habitudes.
 Voici les informations que l’on trouve sur le site de Michel Berry « Le jardin des entreprenants ». Le projet Territoires zéro chômeur de longue durée e (TZCLD) est une variante audacieuse de l’activation des dépenses passives.  Il s’agit de recruter des chômeurs de longue durée dans une entreprise à but d’emploi (EBE) qui équilibre ses comptes avec une subvention correspondant au montant des aides qui auraient été versés au chômeur. Cette idée ne résulte pas d’une politique publique venue d’en haut mais d’initiatives locales pilotées par des entreprenants inspirés et opiniâtres, en lien étroit avec leur territoire. Est relatée l’expérience de Pipriac et St Ganton (4150 habitants). Le comité local a rencontré élus, associations et entreprises. Un accord est intervenu sur l’interdiction à l’EBE de concurrencer les entreprises du territoire. Environ 170 chômeurs de longue durée ont été rencontrés. On leur a demandé ce qu’ils savent et ont envie de faire. Cela permet de trouver des idées : deux couturières donnent par exemple l’idée de créer une activité de tissus recyclés à laquelle personne n’avait pensé. Puis l’équipe rencontre de nouveau élus et chefs d’entreprise pour leur demander : si vous oubliez la question de l’argent, qu’y a-t-il d’utile à faire ? Plus de 300 idées sortent de ces rencontres. Aujourd’hui l’EBE a 75 salariés répartis en cinq sites et une trentaine d’activités : travail autour de palettes en bois, blanchisserie, tri des métaux, nettoyage des véhicules, commerce ambulant etc. Chaque site est encadré par un responsable. Il faut coordonner, planifier, gérer les congés, bref doter l’entreprise d’un encadrement. 
L’engagement des personnes rencontrées montre les vertus de l’expérience. Un signe ne trompe pas : on voit les anciens chômeurs de longue durée se transformer physiquement lorsqu’on visionne les films relatant l’expérience. Cette expérience interpelle notre manière de concevoir le management et les politiques publiques. L’expérience concerne encore peu de monde et le passage à l’échelle est délicat : les pionniers sont en effet convaincus que l’on ne peut pas transposer telles quelles leurs solutions et que chaque expérience doit rester « à portée d’engueulade ».
Clémentine Hodeau, directrice générale du Fonds d’expérimentation (dont Louis Gallois est président) est toutefois optimiste : « Plus de 200 entreprenants sont venus nous voir pour développer quelque chose d’analogue dans leur territoire. Nous avons créé un centre de ressources et de développement et un organisme de formation pour les aider. Il faut une deuxième loi en 2021 pour poursuivre et développer l’expérience. Un comité de soutien parlementaire comprend 204 députés et sénateurs et des projets sont engagés dans 60 territoires. Plus de 2 millions de personnes ont vu sur M6 un reportage sur l’expérience de Mauléon et une pétition circule activement pour demander la nouvelle loi. »
La 2ème édition de l’université d’été de TZCLD a réuni 300 personnes le 31 aout 2019 dans la mairie du 18ème à Paris.  
 
Quel avenir pour le dispositif Territoire zéro chômeur ? 
 
Différentes évaluations du dispositif sont en cours suscitées notamment par la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) du ministère du travail, et par l’IGAS  (l’Inspection Générale des Affaires Sociales). Ces évaluations permettront de connaître les caractéristiques des 700 à 800 chômeurs qui ont bénéficié du dispositif, et quel est le coût réel du dispositif. Une controverse est engagée entre Pierre Cahuc, qui a écrit un article dans les Echos du 18 octobre 2019 pour montrer que le dispositif est plus coûteux qu’il n’y parait et les économistes atterrés qui ont répondu le 28 octobre 2019 dans leur blog.  Ceux-ci écrivent : Hélas à aucun moment, les chiffres avancés par Pierre Cahuc ne sont étayés et on ne saura jamais si ces savants calculs tiennent compte des coûts évités en termes de désespérance sociale, de divorces, de violences, de maladies… 
Espérons en effet que les députés, qui auront à décider dans une nouvelle loi de l’extension du dispositif à 50 nouveaux territoires, prendront en compte non seulement les aspects financiers mais aussi les avantages sociaux et politiques d’une mobilisation démocratique des territoires et d’une sortie du chômage de longue durée.