Retour de Sète : L’Eccap prend la mer au sein de l’Archipel des confluences !

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Retour de Sète : L’Eccap prend la mer 

au sein de l’Archipel des confluences !

 

Durant le long week-end du 20 au 23 octobre à Sète, s’est tenue l’Université d’été du Mouvement d’Utopia[1] sur le thème : Agir pour un monde habitable. Cette année, pour répondre à l’appel d’Edgar Morin, adhérent d’honneur d’Utopia, à créer une convergence entre les acteurs de la société civique, plus de 200 participant∙es, de nombreuses personnalités, des associations comme des réseaux ont décidé de co-organiser avec Utopia des temps de travail afin de partager leurs réflexions, leurs propositions sur des mesures basculantes et d’imaginer la forme que pourrait prendre cette « convergence »[2]. L’Archipel citoyen Osons les jours heureux[3], l’Archipel de l’écologie et des solidarités[4] et le mouvement convivialiste[5] ont contribué. Ce processus a commencé par le partage par certaines personnalités de leurs retours d’expériences, forcément singuliers et liés à la nature de leur engagement, mais après une analyse croisée, peuvent devenir des enseignements pour l’avenir. 

Nous mesurons tout à la fois l’urgence de la situation de la planète et des besoins de bascule dans un autre système de valeurs mais aussi les difficultés de nos mouvements à provoquer un changement radical. Isolés, polarisés et souvent épuisés, pourtant ces mouvements travaillent la société en profondeur. Et au sein du mouvement Utopia, depuis plus de 20 ans, nous voulons aussi affirmer que cette société est de plus en plus à l’écoute des formes alternatives de transformation. Le premier objectif de ces journées a été de prendre le temps nécessaire à cette analyse croisée de nos expériences pour lancer un processus désirable, ambitieux dans sa vision, modeste dans son organisation et humble dans son animation. Serait-ce les conditions pour faire levier et bascule ?

Une cinquantaine de participant∙es aux ateliers ont pu ainsi contribuer et des premières personnalités ont partagé leurs expériences dès la première séance du jeudi 20 octobre. Parmi elles, Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS, Laetitia Delahaies, coordinatrice stratégique des Colibris, Patrick Viveret, philosophe et initiateur de l’Archipel Osons les jours heureux et parrain de la campagne Nouvelle R’ des Colibris, Alain Caillé, fondateur de la Revue du MAUSS et initiateur du mouvement convivialiste, Mathilde Imer, animatrice de la Primaire Populaire, Martin Rieussec-Fournier investi aussi au sein de la Primaire populaire, Thierry Salomon, fondateur de Negawatt, Didier Fradin, de la Belle Démocratie et engagé depuis des années sur les dynamiques de reliance entre archipel et monde des communs.
 
Des échanges sur des premiers retours d’expériences
Alain Caillé rappelle le contexte dangereux entre néolibéralisme et extrême droite, accompagné par une atomisation de nos réseaux. « Pouvons-nous avancer dans la mise en place d’un mouvement plus large mais pour faire quoi ? Cette bascule historique peut être accompagnée par un processus long d’Etats généraux et de cahiers d’espérances pour mettre en discussion des sujets transversaux ». Durant les échanges, cette idée s’est transformée en Cahiers d’avenir partagé (CAP). A partir d’expressions recueillies au niveau local, une synthèse évolutive sur la base de ces expériences de terrains permettraient d’identifier ce qui dysfonctionnent et proposer des mesures basculantes à diffuser au niveau national. Ce projet a reçu un accueil favorable des représentants d’un certain nombre de réseaux comme le mouvement des Colibris, le Labo de l’ESS, l’association des maires ruraux de France, à confirmer bientôt. Il pourrait être relayé par le Collectif de la transition citoyenne, le Pacte du pouvoir de vivre ou la Fabrique des transitions.

Thierry Salomon rappelle le contexte de crise énergétique et la difficulté d’entrer dans le détail sans s’opposer. La dynamique se fait autour d’individualités, avec des formes d’expertises très pointues donc reconnues, mais comment alors créer les conditions d’un dialogue des savoirs ? Comment dépasser ces premiers cercles souvent très engagés mais aussi vite épuisés et assez peu représentatifs des nouvelles générations comme des nouvelles formes d’engagement ? Il présente alors les 3 fonctions au sein de l’Archipel qui sont d’abord au service des liens et des interactions entre les îles et les projets : les explorateurs qui découvrent et reconnaissent des initiatives transformatrices, les tisserands qui relient et entretiennent les relations et les catalyseurs qui peuvent appuyer des projets et leur permettre d’accéder à des ressources pour les enrichir. 

Patrick Viveret évoque la nécessité de se situer aussi à l’échelle de la planète et de s’appuyer sur les ODD[6] (Objectifs de développement durables de l’ONU). Il présente deux cartographies qui peuvent se relier et se nourrir : le site Inform-e.net[7] et le site Transiscope[8].


Hugues Sibille
, président du Labo de l’ESS[9] témoigne qu’il voit chaque jour des initiatives qui transforment la société mais cela ne fait pas système au niveau local et au niveau national. « L’ESS ne transforme pas le système, il y a des enjeux de régulation et de retour du politique ». « Comment co-construire les politiques publiques ? Il faut questionner le retour de la planification et comment les citoyens peuvent s’en saisir ? ». Investi dans la Fabrique de la transition qui rassemble des élus, des techniciens et des acteurs de la société civile, cet espace a vocation à questionner les nouvelles formes de production des politiques publiques.

Laetitia Delahaies
, coordinatrice stratégique des Colibris, a présenté la nouvelle campagne du mouvement appelé Nouvelle R’ et dont le parrain est Patrick Viveret. Après avoir développé le concept d’Oasis, à l’échelle d’une petite communauté autour des enjeux de l’habitat partagé, de l’éducation et d’une autonomie énergétique, la nouvelle orientation du mouvement est d’appuyer des projets de territoires, plus large, plus collectif et avec une dimension pluri-acteurs très forte.
Les 6 « territoires en expérimentation »[10] initiées depuis 1 an permettent de tester cette approche pluri-partenaire. Il y a un enjeu de capitalisation/mise en récit afin d’analyser et de valoriser l’approche et la méthode : comment font les acteurs pour faire ensemble ?

Enfin pour conclure ces premiers échanges, Mathilde Imer et Martin Rieussec-Fournier, ont croisé leurs retours sur la Primaire populaire dont ils ont été les principaux animateurs. La première a insisté sur le fait qu’ils ont « surestimé la volonté de gagner des partis politiques ou plutôt de ne pas perdre leur organisation, leur identité et leur économie. Cela est devenu pour ces partis un enjeu de survie ». Elle a aussi interrogé la place du pouvoir : « Quelle relation doit-on construire avec ces partis et comment questionner la place des pouvoirs dans notre démocratie ?  « Le parti n’est pas un astre mort ». « C’est maintenant qu’il faut préparer les échéances à venir mais se projeter en 2027, là aujourd’hui, j’ai du mal ! » Elle conclut en retenant aussi des points positifs : « Il y a eu de belles choses quand même avec une mobilisation exceptionnelle en quelques mois à peine, et une équipe qui avait une moyenne d’âge de 25 ans. Ce fut aussi un espace où les militants FI/PS/EELV ont bossé ensemble au niveau local et enfin, nous avons levé 1 million d’euros pour mener cette campagne ». En reconnaissant avoir manqué de temps et d’espace pour écouter des personnes plus expérimentées, elle évoque la nécessité de la transmission intergénérationnelle. « Pour l’avenir, il n’y a pas qu’une stratégie, créer un mouvement avec des alliés dans les partis et bosser sur le fond avec les acteurs politiques notamment sur trois points aveugles : le travail, le logement (l’habitat et l’habiter) et la sécurité ». Son ex-collègue Martin a insisté lui sur les moyens et la nécessité d’être décomplexés avec les questions d’organisation et d’argent. « L’argent ne doit plus être un tabou ». 

Une première synthèse pour avancer de nouveau ensemble ?
Le lendemain matin, Patrick Viveret a présenté une première synthèse : « On semble être d’accord sur une vision de la transformation, avec quelques différences sur les moyens et les temporalités. » Bataille culturelle pour certains, bataille partisane et électorale pour d’autres, très vite les participant∙es ont pu exprimer leurs polarités mais les conditions de leur articulation est devenue pour toutes et tous un marqueur.
C’est pourquoi la forme d’archipel avec son trépied : tisser, explorer et catalyser, a été reconnu comme une condition de la qualité de ces liens. Sa déclinaison sémantique (pirogues, lagon, voilier-atelier…) suscite encore quelques questionnements. La mutualisation des moyens logistiques devient aussi une évidence avec la nuance de ne pas devenir des « organisateurs et organisatrices ». Enfin, l’urgence de rester accueillant et de s’ouvrir à d’autres groupes d’acteurs comme le Collectif pour la transition citoyenne[11], la Fabrique des transitions[12], le Pacte Pouvoir de vivre[13]

Ce qui semble être encore la source de doutes est la question du rapport moyen-objectif. Nous avons listé le nombre d’intentions nombreuses et légitimes sur le fond, cohérentes avec notre raison d’être mais malheureusement pas à la mesure de nos moyens actuels. Par exemple, ont été cités, les projets d’archipel citoyen planétaire ou de parlement citoyen mondial. Autre question centrale dans les échanges et qui demeure une « tension » créatrice : la relation à la prise de pouvoir, et sous quelle forme. Le fait de gagner les élections est une perspective même si la dynamique de l’Archipel ne peut l’organiser directement. Elle peut contribuer à créer des relations permettant de dépasser notamment des logiques concurrentielles entre appareils politiques mais sous quelle forme ? Enfin, « le plus gros impensé » selon Patrick Viveret est le fait de pouvoir prétendre contribuer à un changement de politique au moment où « le degré de régression sera tel que même au pouvoir, il sera nécessaire de devoir « gérer » des pandémies et faire des choix plus complexes ».

Après ces premiers échanges, la richesse de ces retours d’expérience a été telle qu’il est apparu nécessaire de le poursuivre et d’inviter de nouvelles personnes à y contribuer. Cette étape peut nous permettre de faire émerger un processus inscrit dans la durée. 

Un texte, un nom, un prochain rendez-vous et un premier équipage.
A partir du vendredi, le groupe s’est fixé alors des objectifs atteignables pour le week-end : un texte commun précisant les intentions collectives, une forme à définir avec un nom provisoire et un calendrier avec une prochaine date et une liste de personnes volontaires. 

 
Le travail a pu ainsi se concentrer sur le vendredi et le samedi sur la co-écriture d’un texte martyr qui affirme la forme de l’archipel comme un nouvel imaginaire, qui ne souhaite pas « organiser » une coordination ou une fédération des initiatives existantes. Un imaginaire issu de la pensée d’Edouard Glissant[14] qui valorise plus les identités-relations, les individus ou mouvements dont l’énergie est plus relationnelle qu’identitaire. 

Et c’est bien dans cette « tension » créatrice entre relation et identité que l’archipel trouve sa force. Chaque île, chaque organisation, chaque personne est reconnue dans ses identités et la nécessité de les conserver comme de les questionner. Cela n’est possible que si, tout autant, chaque île, chaque organisation, chaque personne s’investit dans la relation, tout aussi nécessaire, qu’elle tisse avec d’autres pour nourrir une raison d’être et un projet politique, coconstruire des alliances et mettre en œuvre des stratégies, à toutes les échelles, du local au planétaire.

Un texte a pu ainsi être validé samedi matin et présenté en assemblée plénière le samedi après-midi[15]. Il a reçu un accueil favorable même si la sémantique autour de l’imaginaire de l’archipel doit encore être mieux partagé et accessible.

Ce nouvel archipel se nomme donc aujourd’hui l’Archipel des confluences. Des confluences comme autant de courants d’idées et d’expériences se croisant. Un prochain rendez-vous a été fixé le 17 décembre pour une rencontre à Paris afin de préciser sa raison d’être et ses premiers engagements mais aussi accueillir de nouvelles énergies.


Un enjeu de confluences des savoirs 
D’abord mieux se connaître en partageant les textes fondateurs des mouvements et collectifs déjà présents, repérer les polarités pour les mettre en travail et en relations. Ce travail est d’abord un enjeu de circulation des savoirs, savoirs froids comme savoirs chauds, théoriques, techniques ou d’usages, ces savoirs circulent dans l’archipel. 

La transmission
de ces savoirs devient alors le premier objectif des personnes initiatrices considérant, après les interventions de Mathidle Imer, Laetitia Delahaies et Hugues Sibille que ce groupe est principalement composé d’hommes âgés et qu’il doit être au service des nouvelles générations. 
Enfin, la question de l’articulation entre initiatives locales et mobilisation nationale pour les rendre visible et les renforcer devient le second objectif de cet archipel.

Comment croiser réflexions, propositions de mesures basculantes et expériences concrètes ? Imaginer des espaces physiques et numériques où des liens se tissent et des controverses s’animent ? Cela résonne alors avec la nouvelle orientation de l’Encyclopédie du changement de cap.

L’équipe de l’Encyclopédie du changement de cap a pris une place importante dans l’animation de par le fait qu’elle demeurait un peu extérieure aux expériences passées et aux relations interpersonnelles. Cette posture de tiers-facilitatrice a permis de trouver une animation croisant la prise de note en direct via l’usage de la carte heuristique, permettant la reconnaissance de chacun et la mise en visibilité des polarités comme des communs tout en proposant des chemins communs. Nous avons proposé d’animer un atelier pratique le samedi matin afin de créer une première cartographie des initiatives présentes et des acteurs mobilisés pour les rendre ainsi plus lisibles. 

En ce sens, l’Encyclopédie du changement de cap a été reconnu comme un espace de travail utile au sein de l’Archipel. Notre nouvelle orientation[16] imaginée depuis quelques mois entre en résonnance avec les enjeux des mouvements et personnalités présentes à Sète.

L’Eccap s’inscrit pleinement dans l’Archipel des confluences et son outil numérique devient un objet de travail partagé avec le monde des communs du numérique que nous allons bientôt mobiliser. De nouveaux alliés nous rejoignent et ce rendez-vous à Sète nous a permis de prendre la mer avec beaucoup d’énergie et la volonté de rejoindre un équipage pour explorer, tisser et catalyser.

Si cela vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter pour rejoindre l’équipage.

Courriel Encyclopédie du changement de cap : lettre@eccap.fr
Courriel Archipel des confluences : contact@archipel-confluences.org

 

 

 

[1] Le Mouvement Utopia est une coopérative citoyenne d’éducation populaire : https://mouvementutopia.org/
[2] https://mouvementutopia.org/site/wp-content/uploads/2022/10/Programme-Universite-Utopia-2022-13.10.22.pdf
[3] http://osonslesjoursheureux.net/
[4] https://archipel.ecolosolidaire.org/
[5] https://convivialisme.org/
[6] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/
[7] https://www.inform-e.net/fr/accueil/
[8] https://transiscope.org/
[9] https://www.lelabo-ess.org/
[10] http://territoires-dexperimentations.org/
[11] https://transition-citoyenne.org/
[12] https://fabriquedestransitions.net/index_fr.html
[13] https://www.pactedupouvoirdevivre.fr/
[14] http://osonslesjoursheureux.net/archipel-oljh/un-peu-dhistoire
[15] Le projet de texte présenté dimanche en clôture de l’Université d’été d’Utopia (lien)
[16] https://eccap.fr/qui-sommes-nous