C’est le titre d’un des chapitres du livre ( R ) Evolutions – Pour une politique en actes- de la collection Domaine du possible chez Actes Sud. Dans ce chapitre, Thierry Janssen fait part de son expérience et plaide pour une médecine intégrative. On peut écouter par internet différentes conférences dans lesquelles il explique son itinéraire. Après avoir pratiqué la chirurgie en urologie, gynécologie, pendant une douzaine d’années à Bruxelles et à Paris, et alors qu’il allait accéder aux responsabilités qu’il briguait dans le système hospitalier, il a éprouvé la nécessité de changer de voie, conscient qu’il était des limites du formatage de la médecine conventionnelle qu’il avait reçu au cours de ses études. Il a alors suivi pendant quatre ans aux E.U. des cours à la Barbara Brennan School for Healing fondée par une physicienne. Ces cours « ne se résumaient ni à la transmission d’une théorie, ni à une formation intellectuelle. Ils étaient avant tout expérientiels ». L’encadrement était assuré par « des professeurs aux méthodes très variées : des psychothérapeutes…des approches psycho-corporelles…des art-thérapeutes, des professeurs de qigong et de yoga ainsi que des chamans et toutes sortes de guérisseurs traditionnels ». Thierry Janssen nous dit qu’il a été déstabilisé par cette approche. « Mais la réputation mondiale de cette école et la reconnaissance officielle du diplôme qui sanctionnait ce cursus ont contribué à me rassurer ».
Il a été frustré de ne pas pouvoir relier sa culture médicale analytique, scientifique et les approches non conventionnelles. Par exemple il ne pouvait pas faire lien entre le vocabulaire très précis de la médecine chinoise et son propre langage scientifique. Il a souhaité alors « faciliter un rapprochement entre les médecines non conventionnelles et la médecine allopathique, en créant des ponts et un vocabulaire commun afin de jeter les bases d’une « médecine intégrative » ».
La médecine conventionnelle, très analytique avec une hyperspécialisation se développe souvent au détriment d’une vue d’ensemble. Elle gagnerait à s’enrichir « des intuitions plus holistiques des médecines non conventionnelles ». Quant aux médecines complémentaires et alternatives elles sont aussi « le plus souvent fermées sur elles-mêmes ».
Des études ont montré que les trois quarts des patients qui recourent à des médecines alternatives n’osent pas à en parler à leur médecin généraliste. « Cela pose un problème grave : en l’absence de concertation, les stratégies des différents thérapeutes peuvent s’avérer incompatibles, voir opposées, alors même qu’elles pourraient s’enrichir mutuellement et créer une synergie ». Médecine conventionnelle et approches thérapeutiques non conventionnelles « sont avant tout complémentaires : chacune possède ce qui manque à l’autre dans bien des domaines ».
Thierry Janssen donne l’exemple d’un malade du cancer pour lequel le recours à la médecine intégrative est bénéfique. « Outre la combinaison habituelle de la chirurgie, de la chimiothérapie et de la radiothérapie, la médecine intégrative veut aussi aider le patient grâce à un accompagnement global incluant entre autre la diététique, l’exercice physique, la relaxation, le massage, l’acupuncture, la méditation ainsi qu’un suivi psychologique. Ce dernier considéré comme accessoire par certains est en fait crucial pour la réussite d’un traitement ».
L’organisation d’un hôpital où chaque service est consacré à un organe sans lieu de rencontre ne favorise pas le plus souvent la prise en compte des relations entre différents symptômes, entre diverses parties du corps.
Thierry Janssen pense que les patients, les élus, comme les professionnels de la santé peuvent favoriser la création de centre de médecine intégrée où l’on peut rencontrer des praticiens de culture thérapeutique différentes. « Plus de quatre-vingts facultés de médecine ont déjà créé ce genre de centres aux Etats-Unis ». Il parle également du centre de santé Marylebone à Londres auquel collabore Leon Chaitow, l’un des pionniers de la médecine intégrative. Le livre (R)évolutions renvoie également au Centre de santé de Colombier en Suisse près de Neuchâtel fondé par le docteur Nathalie Calame. Si l’on cherche à s’informer sur elle, on trouve une interview de juillet/août 2014. Elle y raconte comment elle craignait de se faire mettre des œillères et de se conformer à un point de vue unique : « J’ai donc déjà pendant mes études de médecine à Lausanne, suivi des cours de massage, d’acupuncture, de naturopathie, d’homéopathie et fait personnellement l’expérience de plusieurs méthodes thérapeutiques. J’ai également collaboré avec un collectif de thérapeutes bénévoles au suivi d’un lieu de vie pour enfants autistes, je me suis donc intéressé aussi aux courants psychanalytiques et à l’antipsychiatrie dans les années 70. Puis j’ai eu la chance d’aller rencontrer des médecins traditionnels au Japon, en Inde, en Chine, avant l’âge de trente ans et d’être enseignée par eux ». Le centre de santé et prévention qu’elle a créé fonctionne sur trois axes : Informations et formation (au public et aux professionnels de santé), documentation, et consultations médicales thérapeutiques « Nous avons fonctionné depuis le début sur ces trois axes, et partagé nos savoirs et compétences au service de nos usagers, en partageant également les dossiers des patients, avec leur accord bien sûr. Ce qui permet d’intégrer ce que les autres thérapeutes ont proposé ou travaillé, et de créer une synergie au bénéfice des principaux intéressés, les usagers eux-mêmes ».
L’interview du docteur Nathalie Calame se terminait sur une question : quelle est la recette du succès du centre de Santé et de Prévention de Colombier, quels conseils pour créer un CSP en France ? Voilà la réponse du Dr Nathalie Calame : « Le CSP est comme un petit village helvète résistant ! Nous sommes conscients de notre originalité mais aussi de notre petite taille…Nous n’avons aucune aide officielle, et cela nécessite beaucoup de bénévolat et de volonté pour poursuivre notre mission. Le système de santé suisse est sans aucune doute plus permissif et ouvert aux médecines complémentaires que le système français, mais nous savions que nous ne devons compter que sur nos propres forces. La recette du succès du CSP : la force de volonté de quelques personnes, et le fait que cela réponde à un réel besoin de la population, en particulier de la population désireuse de prendre sa santé en mains ! Je ne peux pas donner une recette pour la France, si ce n’est de constituer une équipe solide pour démarrer et de faire attention d’avoir un but commun plus important que les égos individuels ! ».
T.Janssen, à la fin du chapitre de (R)évolutions, souligne que la logique participative qui préside au fonctionnement du CSP de Colombier « déteint naturellement sur le patient qui se sent actif et responsabilisé dans son processus de guérison ». Le centre met à la disposition des usagers toute une documentation et propose des conférences portant sur l’éducation à la santé.
Mais la création de centres du type de celui créé par N.Calamme n’est pas le seul moyen de rapprochement entre médecines conventionnelle et médecines alternatives et complémentaires. Il suffit de rechercher sur un moteur de recherche « Hôpitaux et médecine alternative » pour constater que « Acupuncture, auriculothérapie, homéopathie, hypnose, sophrologie pour ne citer que les plus pratiquées, les médecines alternatives et complémentaires, les MAC, font doucement mais sûrement leur entrée à l’hôpital».