QUE FAIRE ? Quelques propositions.

Logement

Les trois articles sur le logement ont été rédigés par Jean-Pierre Paret en collaboration avec Guy Roustang. J.P.Paret a été directeur général de l’Office public HLM de la ville de Marseille, puis promoteur privé et enfin directeur général de Logirem de 1994 à 2005. Il est actuellement membre du Conseil d’administration de Famille et Provence. J.P.Paret a demandé l’avis de quelques acteurs du logement social avant l’insertion de ces articles dans l’ECC.  

Revenir à une aide à la pierre beaucoup plus importante.

Comme vu précédemment, le dispositif PINEL (du nom du récent ministre du logement qui a proposé cette exonération comme l’avaient fait ses prédécesseurs depuis 20 ou 30 ans) permet à un investisseur privé de recevoir une aide (à la pierre) de l’Etat par le biais de l’exonération fiscale pouvant atteindre 63 000 Euros en 12 ans. Les contreparties sont relativement minimes et peu contrôlées. Le locataire peut éventuellement percevoir une aide à la personne.

Un logement HLM revient à 90 000 Euros pour un T 2 et à 150 000 Euros pour un T 4. Ne vaudrait-il pas mieux affecter les dégrèvements d’impôt  au moins en partie au logement social ? L’incidence sur le  BTP serait nulle car un logement social qui souffre encore de l’image des “tours et des barres“ a depuis la fin des années 70 une qualité au moins égale si ce n’est supérieure à celle du logement privé.

A noter que les logements sociaux les plus anciens, financés avec une aide à la pierre plus conséquente, non seulement ont des loyers beaucoup plus abordables, mais aussi  permettent de financer la construction de logements neufs et ce depuis plus de 50 ans.

Appliquons au Logement Social une aide à la pierre et une aide à la personne comparable au dispositif Pinel. Reste à préciser où mettre le curseur entre ces deux aides.

Travailler encore plus les projets.   Il doit être possible de revenir à des constructions moins chères avec une architecture de qualité.

Un logement de grande surface est gage de qualité de vie, voire de luxe, mais réaliser un logement T2 de 50 M2, avec le loyer élevé correspondant devient un faux luxe et ne sera pas accessible à un ménage très modeste.  Le candidat locataire préfèrera sans doute un logement plus petit avec des prestations plus sommaires mais avec un loyer correspondant à ses revenus. De nombreux architectes de talent sont capables de réaliser des logements de qualité, de surfaces plus modestes.

En finir avec l’attrait de l’accession à la propriété en maison individuelle.

Combien d’accédants, surtout en maison individuelle, se sont endettés de manière très importante, ont travaillé sans relâche pour aménager leur intérieur, leur jardin dans une région où le marché est peu tendu, sans imaginer (ou si peu) les dépenses supplémentaires (la deuxième voiture, l’accompagnement des enfants…). Ils se retrouvent ficelés à leur emploi, quand ils ont la chance d’en avoir un, sans pouvoir évoluer et changer de travail car la maison (à condition déjà de trouver un acquéreur) serait revendue à perte.

Il est très dommage de “gâcher “du foncier loin des centres ville car cela coute très cher à la collectivité. Il est beaucoup plus intelligent du point de vue urbanistique et financier de densifier les centres et la première couronne, là où les services existent déjà.

Dégager du foncier.

C’est aux Pouvoirs Publics de travailler à retrouver du foncier et à mettre en place des procédures-à inventer ou réinventer- pour éviter la flambée des prix des terrains.

Obliger sur chaque opération nouvelle -même 8 logements- de réaliser 25% de logements sociaux, sans se limiter systématiquement au PLS, sera une manière de faire baisser les prix. Il sera toutefois nécessaire que les acteurs du logement social cessent de faire de la surenchère sur leurs collègues mais néanmoins concurrents.

Cette pratique de création de 25% de logements sociaux sur chaque opération nouvelle faciliterait grandement la mixité sociale. Des communes le font et cela fonctionne très bien alors qu’il semble illusoire d’espérer cette mixité sociale dans des quartiers anciens à forte dominante de logements sociaux (Ex ZUP ou ZAC dégradées)

Les Centres Ville   se paupérisent et certaines communes se sont lancées dans leur réhabilitation. Il est important de récupérer ces centres ville et la première couronne des villes moyennes par une approche résolument urbanistique. Tous les services sont là et continuer à gaspiller de l’espace en étendant les villes est contre – productif.

Travailler en centre – ville est complexe, chronophage, cher et intéresse très peu les promoteurs qui préfèrent réaliser des opérations neuves que se risquer en centre – ville. Pourquoi ne pas demander aux promoteurs publics ou privés d’investir en centre – ville lorsqu’ils réalisent une opération neuve sur la commune. Certains maires l’exigent, pourquoi si peu ?

Il est regrettable que seules des associations pilotées par des bénévoles, sans moyens et sans ingénierie financière soient pratiquement les seules à œuvrer dans cet habitat dégradé.

Que l’Urbanisme intelligent reprenne droit de Cité.

 

La Densification a mauvaise presse !!!

Et pourtant, il suffit de lever les yeux en ville pour s’apercevoir que les anciens n’hésitaient à surélever des immeubles de  un ou deux niveaux. Aujourd’hui avec des produits modernes et légers, il est tout à fait possible de faire la même chose. Des copropriétés ont déjà réalisé ce type d’opération.

La soi-disant densité effraie et pourtant la densité est en général plus élevée en centre – ville (hors hyper centre souvent dégradé) que dans les ZUP et les ZAC. La peur des tours et des barres des années 60 conforte les concitoyens dans ce refus d’augmenter cette densité. Lors de la réalisation des P.L.U. (Plan Local d’Urbanisme), ou de leurs révisions fréquentes une approche pédagogique est à mettre en place.

Il existe de nombreux délaissés, de « dents creuses », de friches, à valoriser et construire.

La Vente des Logements Sociaux.

Compte tenu des besoins importants  en fonds propres (20 à 25 % du cout d’une opération neuve) que nous pourrions appeler comme les Anglais « Fonds perdus », la vente des logements aux habitants ou à d’autres gestionnaires publics, permet de trouver des recettes. Cette vente doit être étudiée très finement car ce sont souvent les logements les mieux placés et parfois anciens qui génèrent des autofinancements importants et bien sur, ce sont ceux-ci qui sont le plus facilement vendables. Les Sociétés le font déjà, sans doute faut il passer à une vitesse supérieure. La construction neuve, l’amélioration du parc et la baisse des financements publics le demandent.

Et les Investisseurs Institutionnels (les ZIN-ZINS) ??

Le parc privé locatif doit lui aussi tenir son rôle et le dispositif Pinel à condition qu’il soit rigoureusement appliqué avec des loyers nettement inférieurs au prix du marché (20 à 25%) est une mesure intéressante.

« Ne faut-il pas, également, faire revenir le « capital dormant » des Investisseurs Institutionnels ?   Les banques et assurances détenaient en France un million de logements au début des années 90 avec un effet stabilisateur important sur le marché locatif, elles en détiennent aujourd’hui moins de cent mille. » (Et nous vivrons des jours heureux. Actes sud, nov.2016.page 86)

L’Amélioration du Parc et la politique énergétique.

Le parc logements des bailleurs vieillit et les logements construits dans les années 60 ont besoin d’une réelle amélioration et les pouvoirs publics aident (de moins en moins) financièrement les organismes, notamment si une amélioration thermique importante est prise en compte et c’est tant mieux. Attention, la chasse à la subvention empêche bien souvent le maître d’ouvrage de réfléchir avec les habitants et de trouver les solutions les plus efficientes. Calcule- t- on le coût du dernier KW heure économisé et le temps de retour sur investissement ? Faut-il réaliser les mêmes travaux à Marseille et à Briançon ? Doit-on poser 40 cm d’isolant en façade sud d’un immeuble dans le sud de la France et minimiser des largeurs de balcon déjà très modestes ?

En construction neuve, un immeuble auto suffisant en énergie se justifie et cela est possible.

Réfléchir avant tout avec les habitants sur les travaux à réaliser, agrandissement des balcons, créations d’ascenseurs alors que les quatrième étages ont de plus en plus de mal à trouver preneur, travail sur le handicap, lieux de rencontres et « parcours de l’invité », jardins de proximité….

La politique de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine)

Certes, il convient de reprendre de fond en comble de nombreux quartiers. Mais comment ? Beaucoup d’argent a été dépensé sur des démolitions, restructurations, construction de nouveaux logements souvent en accession à la propriété, avec tout ce que cela représentait pour les habitants obligés de quitter l’appartement où ils avaient vécu 20 ans ou plus de leur vie. La démolition d’un immeuble par implosion devrait être l’exception. C’est toute une histoire de vie qui disparait en un instant. Arrêtons cette démolition spectacle et aidons les anciens habitants à faire leur deuil en démolissant étage par étage. En général cela coute moins cher, et que de traumatismes épargnés !

Alors que les dépenses sur le bâti (notamment démolitions) étaient très importantes, les services publics disparaissaient  (la poste, les polices de proximité…) ainsi que les associations faute d’aides publiques. Associations dont on parle lorsqu’elles dérapent avec parfois l’aide de certains élus, mais dont on oublie le travail colossal qu’elles réalisent dans une multitude de domaines : suivi des études, musique, danse, formation à la demande d’emploi etc. pléiade de possibilités qui structurent la vie du quartier. Les dépenses d’accompagnement ne furent pas à la hauteur des besoins. De nombreux bailleurs aujourd’hui considèrent qu’apporter un logement de qualité c’est bien mais que la notion d’habiter va bien au-delà et que soutenir des propositions d’habitants améliorant la qualité de vie fait intégralement partie de leur métier.

Dans les années 90, la démolition avait très mauvaise presse, « on cassait du bien commun, » aujourd’hui le curseur ne s’est- il pas trop déplacé ?

La ségrégation urbaine et la mixité sociale.

Cela fait longtemps que l’on parle de mixité sociale dans l’habitat comme solution à la ségrégation dans les territoires

Eric MAURIN a publié en 2004 (au Seuil, La République des Idées) « Le ghetto français » Où il explique : « Le tableau des inégalités territoriales révèle une société extraordinairement compartimentée, où les frontières de voisinage se sont durcies et où la défiance et la tentation séparatiste s’imposent comme les principes structurants de la coexistence sociale…..Chaque groupe s’évertue à fuir ou à contourner le groupe immédiatement inferieur dans l’échelle des difficultés »

Bien sûr il convient d’essayer de réaliser un urbanisme de qualité mais cela n’empêchera pas la pauvreté aujourd’hui.

Traitons les divers quartiers avec la même qualité de services quelle que soit sa population avec éventuellement un « plus » d’accompagnement social.

La politique affichée de l’ANRU était de mettre fin à la ségrégation sociale en démolissant massivement et en créant de nouveaux logements destinées aux classes moyennes qui reviendraient habiter dans ces quartiers en accédant à la propriété.

Le résultat visuel est certainement réussi mais Yazid Sabeg, président du comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU dira en 2012 « Avec la rénovation urbaine, on refait du ghetto, mais en plus propre » (Voir Renaud Epstein, La rénovation Urbaine page185)

En effet, les promoteurs ont réalisé des programmes immobiliers « modestes » et les accédants  furent des anciens locataires de la ZUS dont les revenus étaient à peine supérieurs au revenu moyen des habitants du quartier.

Arrêtons de croire à une fumeuse mixité sociale pour des quartiers qui ont basculé dans la pauvreté, mais apportons dans ces lieux tous les services et la qualité d’espaces publics que l’on trouve dans des communes de population comparable.

En revanche, pour chaque construction neuve, exigeons 25% de logements sociaux avec un maximum de PLAI, seul logement dont les loyers correspondent aux possibilités des ménages modestes. C’est seulement à ce prix qu’on diminuera demain une importante ségrégation sociale. Les élus le souhaitent- ils vraiment ?  La balle est dans leur camp.