Quartiers en déshérence

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Ces quartiers populaires en déshérence. 

I- Un constat accablant

La longue période de campagne électorale actuelle pourrait être l’occasion de débattre d’un sujet central qui concerne directement ou indirectement une part importante de nos concitoyens et que l’on nomme la crise des banlieues. Constatons qu’à ce jour aucun des protagonistes qui prétend présider le pays n’a abordé sérieusement ce sujet et proposé les moyens de faire face à cette “crise“ qui perdure depuis bientôt un demi-siècle. Faudra-t-il attendre les derniers jours de campagne électorale pour qu’enfin des candidats osent s’engager à prendre à bras le corps ce dossier et proposer la démarche et les moyens permettant à des millions d’habitants des quartiers populaires de reprendre espoir et de se sentir membres à part entière de la communauté nationale ?

 

Il y a quelques mois à peine, le Premier Ministre d’alors Manuel Valls semblait avoir pris conscience de la gravité de la situation en découvrant que certains de ces quartiers populaires étaient devenus de véritables “ghettos urbains“. Ces quartiers de “relégation“ et de non-droit, où prospère dit-on la délinquance sous toutes ses formes s’avèrent être aussi des lieux dans lesquels la plupart des terroristes ou apprenti terroristes ont vécu ou et trouvé refuge. Pour rétablir l’état de droit et l’ordre républicain, il convenait de compléter l’action indispensable des forces de l’ordre par une politique de mixité urbaine et sociale de grande envergure.

Un an après, ces fortes déclarations sont, pour l’essentiel, restées sans effet. Aucune mesure pourtant considérée comme urgente, n’a été décidée par le gouvernement et le budget affecté à la politique de la ville a subi les réductions drastiques de Bercy. Qui connaît aujourd’hui le nom du Ministre de la Ville en charge de ce sujet jugé pourtant majeur un an auparavant ? On apprend qu’il est d’abord ministre de la Jeunesse et des Sports Cette dernière fonction accapare manifestement son emploi du temps (une visite sur le Web en est la preuve). Il aurait paraît-il une secrétaire d’Etat chargé de la politique de la ville ?

Seule la loi dite “égalité et citoyenneté“ portée à bout de bras par la Ministre de la santé des affaires sociales, Marie Paule Touraine tente de répondre modestement à quelques-unes des causes de la ségrégation urbaine et de l’exclusion d’une part croissante de la population. Cette loi, votée à l’arraché par le Parlement le 22 décembre 2016, malgré son titre ambitieux et la bonne volonté de ses rédacteurs, est un assemblage hétéroclite de mesures souvent ponctuelles et qui ne peuvent servir une politique ambitieuse de reconquête des banlieues.

Ce constat sévère face à la surdité et à l’inaction du gouvernement actuel, concerne en réalité la plupart des responsables politiques de tout bord qui, depuis de nombreuses années lorsqu’ils sont au pouvoir, se contentent de quelques discours et de mesures qui n’interviennent jamais sérieusement sur les causes à l’origine de cet apartheid urbain.

II-Plus de 5 millions d’habitants laissés pour compte

Pourtant depuis des années, les signaux d’alerte se multiplient de toutes parts. Les outils de mesure de cette exclusion et de cette ségrégation sociale ne cessent d’être rappelées. Statistiques et études de l’INSEE, rapports d’évaluation de l’ANRU (Agence National de Rénovation Urbaine) s’ajoutent régulièrement aux diverses analyses et rapports souvent commandés par les Ministres successifs. Le dernier en date avait semblé éveillé l’attention des élus responsables. Rédigé par Mohammed Mechmache et Marie Hélène Baqué, ce rapport posait les bonnes questions et proposait de nouveaux moyens d’action appuyés sur la conviction que «La banlieue n’est pas un problème et un réservoir de coupables, mais  elle est une partie de la solution ».

Ce rapport, par son approche renouvelée, a suscité de l’intérêt dans les banlieues et à même conduit un Ministre à attacher son nom à une loi (loi Lamy) qui institue des Conseils de quartier impliquant directement les habitants. Deux ans plus tard, cette tentative de partage de la responsabilité et de démocratie de proximité est presque partout un échec et laisse à ceux des habitants qui s‘y sont investis un souvenir amer (cf. le mouvement Pas Sans Nous)

Pendant ce temps, les conditions de vie dans la plupart des quartiers populaires ne cessent de s’aggraver et L’Observatoire des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS quel beau sigle) décline régulièrement ces chiffres  http://www.onpv.fr/donnees/les-10-chiffres-cles

PAUVRETÉ  38,4 % C’est le pourcentage de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans les quartiers prioritaires, au lieu de 12,2 dans le reste du territoire.

ÉDUCATION 21,7 % C’est le pourcentage de lycéens qui s’orientent vers une filière générale en 1re dans les quartiers prioritaires, au lieu de 40,4 % dans le reste du territoire.

SÉCURITÉ 25 % des habitants des quartiers prioritaires se sentent en insécurité au lieu de 14 % dans le reste du territoire

SANTÉ 1 sur 4 C’est le nombre d’habitants des quartiers prioritaires qui déclarent avoir renoncé à des soins dentaires pour raisons financières en 2014.

Pour compléter cette énumération, on notera qu’à Marseille, selon les données gouvernementales, près de la moitié du territoire urbain regroupant plus du tiers des habitants est classée  Zone Urbaine Sensible.

Confirmant les informations des institutions officielles, de nombreux observateurs de la vie locales, qu’ils soient sociologues, chercheurs, écrivains, journalistes ou acteurs de la gestion urbaine font un constat similaire sans cesse plus inquiétant de l’évolution des principales banlieues en France.

 

III-Les origines d’un tel désastre

C’est le résultat d’une politique nationale assumée depuis plus de quarante ans et dont les causes les plus significatives sont les suivantes

-Une croissance économique en panne.

-Une politique de la ville en trompe l’œil

-Une ségrégation urbaine assumée

 

– La crise économique a bon dos !

-Si après les trente glorieuses, la croissance du PIB s’était poursuivie au même rythme ?

-si les écarts entre les riches et les pauvres s’étaient réduits ?

-si en France la courbe du chômage s’était enfin inversée  etc…

Si… si… , alors les pauvres des banlieues, français ou étrangers, avec ou sans papier, seraient moins nombreux à la charge des services sociaux. Selon le rapport du CREDOC d’avril 2015 sur les quartiers dits sensibles : en France, c’est 12% de la population qui vit ou travaille dans un “quartier sensible“ et l’image de ces quartiers s’est plutôt dégradée durant les cinq dernières années. Les effets dramatiques des crises qui se succèdent depuis 40 ans se font en effet sentir non seulement dans les banlieues des agglomérations mais aussi dans le milieu rural. Marseille, en partie parce que sa banlieue est dans la ville, est depuis longtemps en tête de cette triste compétition. Un coup d’œil sur d’autres métropoles montre en effet que certains élus ont su prévenir ou au moins atténuer cette ségrégation urbaine et cette mise à l’écart d’une partie de sa population.

 

L’échec de la politique de la ville

Durant près d’un demi siècle, plusieurs tentatives de réhabilitation des cités à travers la France ont été tour à tour engagées. Lors des attentats des 7 et 8 janvier 2015, le constat des origines géographiques et ethniques de la plupart de leurs auteurs, a soudain mis en lumière ce qu’il faut bien considérer comme un échec. Les causes d’une telle dérive sont pourtant anciennes. En 1973 le programme habitat et vie sociale (HVS) précède la politique de la ville initiée par Hubert DUBEDOUT qui, en 1982, avait comme objectif de répondre aux attentes des habitants des banlieues et tout spécialement des jeunes. Dans le rapport publié en 1983 on peut lire « Il faut parler clair, ce qui se joue aujourd’hui dans ces quartiers avec les jeunes est décisif pour l’avenir de nos cités et le devenir de la société. La situation à cet égard est inquiétante. Elle n’est pas irrémédiable.(in “Ensemble refaire la ville ‘’la Documentation française janvier 1983)

 

A l’évidence ces objectifs n’ont pas été atteints et, depuis plus de 40 ans, les conditions de vie dans ces cités se sont sérieusement aggravées Les pouvoirs publics nationaux et locaux ont été régulièrement alertés sur l’échec de “la politique de la ville“. Toutefois, grâce à la lucidité et au courage politique de certains maires, des progrès sensibles ont pu être enregistrés. Cette “crise des banlieues“ ne s’est heureusement pas généralisée à toutes les villes du pays et plusieurs d’entre elles, bien que comportant d’importants quartiers d’habitat social, ont été totalement ou partiellement épargnées par les émeutes de l’automne : Nantes, Nancy, Chambéry ou encore Vaux-en-Velin et bien d’autres encore. Dans ces villes, la politique de la ville aujourd’hui tant décriée, a été mise en œuvre avec intelligence, courage et constance depuis de nombreuses années. Ce n’est pas le cas à Marseille dont les élus ont refusé d’appliquer sérieusement cette démarche.

En novembre 2005, l’émeute des banlieues a fait trembler le pays tout entier et mis en lumière une situation de désordre qui a soulevé l’inquiétude dans le monde entier et a été ressentie comme un danger pour l’avenir de la France. Des experts et observateurs en tout genre ont largement analysé cette situation. Les diagnostics portés sur le malade et la maladie ont souvent été pertinents et les médias ont tenté parfois avec succès de donner la parole aux « jeunes émeutiers » et à ceux qui les entourent. Chacun à son niveau de responsabilité, et en particulier les élus et le gouvernement, ont alors assuré avoir entendu la leçon et promis d’agir vite pour qu’une telle situation ne puisse se reproduire. Une fois de plus, une peur en chassant une autre, c’est l’insécurité, le terrorisme et l’étranger qui deviennent la cause de tous nos maux, comme avant chaque échéance électorale.

Cette révolte des jeunes, si spectaculaire et inquiétante soit-elle, ne doit pas cacher d’autres révoltes plus discrètes mais tout aussi profondes qui s’expriment par la désespérance, l’angoisse et la peur du lendemain de tous ces habitants de banlieues qui ne croient plus aux promesses jamais tenues et qui pour certains se réfugient dans des paradis artificiels ou des idéologies extrémistes.

 

Les gouvernements et les ministres de la ville successifs ont, pour la plupart, eu un comportement proprement schizophrène. Il s’agissait pour chacun d’afficher la poursuite de cette politique en lui donnant un nouvel élan tout en niant les actions du prédécesseur.  On pourrait multiplier les exemples de ces décisions en stop and go. Qu’il s’agisse de la réhabilitation des logements, des emplois jeunes, de la prévention, de la police de proximité ou de l’éducation nationale. Le résultat de ce va et vient permanent a eu un effet catastrophique sur les bonnes volontés locales, sur les maires un peu hésitants, sur les fonctionnaires inquiets ou frileux. Ce n’est pas la politique de la ville qui est en échec, c’est celles des pouvoirs publics qui n’ont pas su ou pas voulu la mettre en application ou qui, trop souvent, s’en sont servis comme discours pour cacher une stratégie d’exclusion.

 

Il convient donc de ne pas limiter les analyses aux évènements récents mais admettre que la “crise des banlieues“ et, au-delà, la crise de la ville est un phénomène ancien et permanent et qu’elle se manifeste sous des formes diverses depuis plus de quarante ans. Le sociologue Thomas Kirszbaum chercheur associé à l’école normale supérieure de  Cachan écrit ceci dans son ouvrage :En finir avec les banlieues ?  (l’aube) « parler de la crise des banlieues suggère que nous ferions face à un problème provisoire  dont il serait possible de venir à bout par un traitement adapté. Pourtant la leçon de l’histoire est claire : les banlieues sont depuis  toujours  aux marges de la ville, mais au cœur d’une  question sociale, urbaine et politique en perpétuelle recomposition . »

 

-Une ségrégation urbaine continue et assumée

La ségrégation à la fois sociale et ethnique est aujourd’hui une donnée majeure des quartiers les plus stigmatisés. La mixité urbaine n’est ici qu’une lointaine utopie. On met toutefois en avant cet impératif républicain afin de préserver encore certains quartiers au détriment de ceux dont les maires et les organismes logeurs ont délibérément estimé qu’ils étaient irrécupérables et, pour la plupart, voués à la démolition. On est loin de l’objectif affiché en 1987 du « retour des classes moyennes aux Minguettes ».

Progressivement, par une politique d’attribution subtile ou parfois même par l’absence de politique, certains quartiers ou groupes d’immeubles se sont transformés en ghettos regroupant les familles nombreuses d’origine étrangère ou tsiganes, les chômeurs de longue durée, les familles monoparentales etc… Toute population considérée par les bailleurs comme des locataires à risque. Comment s’étonner alors de la forte “coloration“ des jeunes émeutiers de l’automne. Une telle évolution a pourtant été dénoncée depuis de nombreuses années et des rapports successifs ont tiré la sonnette d’alarme et proposé des solutions réalistes.

Apartheid territorial, social, ethnique, ghettos urbains, relégation, ségrégation, politique de peuplement, mixité urbaine ; Ces termes employés par le Premier Ministre Manuel VALLS sont repris par tous les médias et largement commentés. Nombreux sont ceux (sociologues, urbanistes, philosophes, élus, etc…) qui, à un titre ou un autre, se sentent concernés par ce discours du “parler vrai“ sans doute justifié par les dramatiques événements du début de l‘année 2015. La mixité urbaine est promue comme principal remède à cet inquiétant constat. Reste à passer de la prise de conscience et des discours à la mise en place opérationnelle d’une politique enfin efficace pour remédier aux erreurs passées.

 

La mixité dans l’habitat : une fausse bonne idée déjà ancienne et qui perdure.

 

A l’origine, dans les grands ensembles (les ZUP) destinés à loger les classes populaires, une mixité relative était programmée réservant les terrains les plus attractifs à des copropriétaires représentants des classes moyennes. Ces programmes ont été en partie réalisés, mais n’ont pas répondu aux souhaits des concepteurs. Ces quelques immeubles privés insérés dans les cités ont été assez abandonnés par leurs premiers occupants et sont aujourd’hui, pour beaucoup, en déshérence. Les copropriétés dégradées qui apparaissent aujourd’hui dans de nombreuses banlieues posent des problèmes souvent insurmontables aux élus locaux. Par la suite, de nombreuses autres initiatives tendant à maintenir ou à retrouver une certaine mixité sociale ont été développées sans résultats probants.

 

Toutes ces bonnes intentions affichées, toutes ces initiatives n’ont, à ce jour, pas su ou pas pu éviter le processus de relégation dans les mêmes lieux, dans les mêmes zones urbaines sensibles, de générations de chômeurs, d’immigrés, de familles monoparentales, de jeunes sans avenir, etc. Les raisons de cet échec sont multiples. Les unes sont d’ordre conjoncturel et trop souvent mises en avant pour servir d’excuse : la crise économique mondiale, la montée des extrémismes, de l’individualisme, de l’insécurité, la poursuite d’une immigration mal contrôlée, les conflits internationaux, mais aussi la responsabilité des parents, des enseignants, “mais que fait la police ?“, etc…  Tous ces facteurs négatifs sont à prendre en compte, mais ils ne peuvent expliquer à eux seuls les dérives constatées depuis trop longtemps. Poursuivant le nécessaire mouvement de décentralisation, les gouvernements successifs n’ont pas pris la mesure des dérives occasionnées par le manque de lucidité et parfois de courage des autorités locales. Les politiques nationales mises en œuvre (politique  de la ville, ANRU, etc…) ont laissé à l’échelon local la responsabilité de leur mise en œuvre.

 

On ne saurait oublier dans cette recherche de responsabilité le poids d’une partie de nos concitoyens qui, dans leur souci d’éviter des proximités jugées inopportunes et dévalorisantes, exercent de fortes pressions sur les décideurs locaux afin de conserver leur “entre soi“. Ils font ainsi obstacle à tout nouveau programme de logement social dans leur voisinage.

 

 

IV Des pistes pour agir : Un programme prioritaire

 

Si l’on se refuse à croire que seule une politique de mixité de l’habitat imposée permettrait de construire ou reconstruire la ville idéale, si l’on accepte que le candidat à un logement social a le droit de choisir son lieu de résidence, une politique nationale à même de remédier aux principales causes des graves dysfonctionnements de certains quartiers est encore possible et peut se décliner autour de cinq principaux chapitres.

 

1° La Politique de la ville à reconsidérer.

 

La concentration des moyens financiers et humains sur les quartiers les plus à la dérive sera systématisée sous le contrôle direct de l’Etat.

 

La stratégie de l’ANRU concernant les démolitions de logements sera remise en cause. La réhabilitation des immeubles existants sera privilégiée et des moyens de gestion renforcée seront mis en place.

 

Les quartiers concernés seront l’objet d’une intervention spécifique de l’ensemble des acteurs publics et privés sous l’autorité d’une équipe de professionnels dotée des pouvoirs de décision. Il s’agit de mettre en œuvre tous les outils permettant “de faire de ces quartiers de bons quartiers populaires“ bénéficiant de l’ensemble des services urbains en qualité comme en quantité.

 

2° Les attributions de logement. 

 

Les organismes gestionnaires de logements sociaux remettront en cause leur méthode de sélection des locataires. La totale transparence des attributions comme la liste des demandeurs doit être obligatoire sous peine de sanction. Les locataires doivent être tenus informés des vacances de logements intervenant sur l’ensemble du patrimoine ainsi que de la mise en service des nouveaux logements. Tout refus d’attribution devra être motivé et justifié. Le représentant local de l’Etat sera doté de l’autorité nécessaire pour faire appliquer ces mesures qui constituent une évolution radicale dans le fonctionnement actuel de nombreux organismes.

 

Reconnaître à tout habitant des cités le droit et les moyens d’en partir mais aussi le droit d’y rester ; requalifier ces lieux de vie afin que ceux qui le souhaitent puissent s’y installer par choix et sans contrainte, tels devraient être les objectifs (l’utopie positive ) de toute stratégie de lutte contre la ségrégation urbaine et la dérive de certains quartiers.

 

 

3° Le retour vers les centres villes.

 

Dans les quartiers des centres anciens des villes, les logements sont souvent dévalorisés alors qu’ils bénéficient de la proximité de nombreux équipements. Les actions de requalification urbaine ont trop souvent conduit au départ des habitants les plus fragiles. La spéculation immobilière a largement contribué à chasser les habitants vers la périphérie. Les programmes de logements sociaux doivent se recentrer en priorité sur le rachat et la réhabilitation de ces logements.

 

4° La reconnaissance réelle du droit à la parole des habitants des quartiers.

 

Après les recommandations faites en 1982 par Hubert DUBEDOUT, initiateur de la politique de la ville, après les multiples tentatives faites par ceux qui lui ont succédé, la récente loi “Lamy“ a enfin reconnu le rôle des habitants des cités. Sur le terrain, des initiatives se multiplient pour tenter de mettre en application les recommandations du législateur en créant les conseils de quartier. Il faut agir pour que ce mouvement ne soit pas qu’un feu de paille et que les principaux intéressés puissent prendre part à la construction de leur avenir et de celui de leurs enfants.

 

5° Mettre fin à la ‘relégation‘. Des transports collectifs accessibles à tous.

 

L’insuffisance, voir l’absence de transports publics est un obstacle majeur pour les habitants des banlieues. Toutes les enquêtes menées dans les cités ont démontré les effets pervers de l’enfermement sur la constitution des ghettos urbains. C’est à n’en pas douter le problème N°1 à résoudre car l’absence de transport collectif est le premier facteur qui limite le marché du travail. Ce lourd handicap n’est pas seulement propre aux habitants des cités comme le montrent les principales études justifiant la création d’une métropole. Le livre blanc des transports métropolitains Aix Marseille Provence résume ainsi la situation : Au quotidien, embouteillages, retards des trains, bus pleins, cars bloqués, sont les symptômes d’une sur utilisation des infrastructures. Fruit de l’investissement du XIX siècle pour les voies ferrées, des années 1950 à 1980 pour les autoroutes, les réseaux ont progressivement cessé d’être développés.

 

De nouveaux investissements doivent être en priorité  affectés à la desserte des villes et de cités de banlieues. Il s’agit là le plus souvent d’investissements lourds et complexes qui déterminent pour de longues années les conditions de vie de la population. Les choix ne peuvent être laissés aux seuls techniciens et élus mais doivent faire l’objet d’un très large débat public préalable. Trop souvent des décisions sur ce sujet sont prises en catimini  sans pouvoir être mise en cause. Il est grand temps d’ouvrir une large consultation à l’échelle des métropoles.

 

Il faut légaliser la consommation de hachish ! 

 

Avant de conclure je mets au débat une cinquième proposition concrète que j’assume. Elle s’appuie sur 50 années de fréquentation des quartiers populaires. Cette proposition semble partagée depuis quelques mois par un nombre croissant d’experts de toutes sortes mais aussi de responsables politiques nationaux et locaux et des citoyens, qu’ils soient ou non consommateurs. L’Appel de Marseille lancé récemment a eu écho important et a permis d’ouvrir le débat.

 

Une telle mesure doit être prise avec prudence et nécessite un accompagnement de tous les instants et une sérieuse évaluation. Les dramatiques conséquences d’une politique de prohibition qui n’a plus les moyens d’être appliquée par la police et la justice et qui continue à remplir les prisons de petits dealers qui, en sortant se transforment pour certains en apprentis djihadistes. Nous savons aussi que, s’il y a des trafics et des dealers dans les cités, la grande majorité des consommateurs habitent plutôt dans les quartiers plus “respectables“. Ceux-là, personne ne les met en demeure de répondre des conséquences de leurs mauvaises habitudes !! Quant aux sommes souvent importantes découvertes dans les immeubles lors des perquisitions, elles sont généralement la propriété de chefs de gang qui ne laissent que quelques miettes à ceux qu’ils exploitent pour se couvrir et en particulier des plus jeunes ou des mères de familles en détresse.

 

Une telle décision doit, pour être efficace, s’accompagner d’une méthode et de procédures d’exception qui ont été expérimentées ailleurs. Nulle doute que, dans les quartiers de Marseille où viennent s’approvisionner tous les consommateurs de la région, il conviendra d’entreprendre une vaste campagne d’explication et de substitution à caractère économique afin d’éviter de voir se constituer des réseaux parallèles.

 

Alors oui, en France, et en priorité à Marseille il faut sortir de l’hypocrisie et, sans délai, s’engager dans la remise en cause d’une politique de prohibition qui devient chaque jour plus absurde et dont les conséquences sont dramatiques. Les conséquences d’une telle proposition ne devraient pas être rejetées sans réflexion et sans débat car elle est une condition pour retrouver plus de justice et de solidarité et permettre aux habitants des quartiers populaires de retrouver enfin calme et dignité.

 

Marseille, le 26/01/2017

Alain FOUREST

alain.fourest@wanadoo.fr