Pour une laïcité qui entretienne la confrontation entre des convictions diverses; selon Paul Ricœur

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« On ne peut se contenter de faire abstraction des convictions, ne serait-ce que pour alimenter le débat public sur les grands choix de société. Il faut donc prendre en compte le champ où se déploient les convictions, à savoir le champ de la société civile. Il y a ainsi à construire, à côté de la laïcité d’abstention de l’État, une laïcité de confrontation, de débat, qui est celle de la société civile, en tant que distincte de la puissance publique. Il faut redonner corps à cette idée d’une laïcité vive, qui entretienne la confrontation entre des convic­tions diverses, elles-mêmes nourries de la diversité de nos héritages culturels, qui sont pour moi l’héritage judéo-chrétien, celui des Grecs et des Romains, l’héritage des Lumières et celui du socialisme du XIXe siècle, à qui il faut ajouter bien entendu aujourd’hui aussi des traditions islamiques, et peut-être d’autres encore… L’école est un bon exemple des travers propres à la laïcité à la française, elle en fait les frais dans la mesure où l’on considère que son rôle est de projeter sur la société civile la conception de la laïcité que nous avons attribuée à l’État. D’où le fait qu’on a un enseignement très aseptisé : on ne parlera pas à l’école de religion, sauf très marginalement à travers la littérature ou l’histoire, etc. L’école est un foyer de totale neutralisation des convictions. On ne doit pas s’étonner de trouver comme résultat une société sans conviction, sans dynamisme propre qui va tout demander à l’État… »

  1. Ricœur, in Esprit, janvier 1991.