Obtenir un diplôme en rénovant son logement

Autoproduction accompagnée
L’autoproduction accompagnée. 

L’autoproduction joue un rôle considérable dans notre société mais elle passe inaperçue. En effet quand on veut mesurer la richesse d’une nation, on parle de son produit intérieur brut (PIB) qui comprend seulement la valeur monétaire des secteurs marchand et non marchand. On ne prend pas en compte ce que nous produisons nous-même. Quand des économistes ont voulu tenir compte de la valeur du travail domestique, à partir des enquêtes de budget-temps, ils ont estimé qu’il faudrait augmenter le PIB de 35 à 75 % selon
les conventions de calcul retenues. Autrement dit, si nous voulons mesurer la qualité de notre mode de vie, il ne faut pas se contenter de notre niveau de vie qui est mesuré par nos ressources monétaires. 
L’autoproduction accompagnée consiste à aider des personnes, qui n’ont pas les moyens ou les compétences voulues, à contribuer par elles-mêmes à améliorer leur situation. Offrir aux personnes qui le souhaitent le moyen de cultiver un jardin, en mettant à leur disposition un terrain et en les aidant à acquérir les compétences voulues pour le cultiver, et  améliorer ainsi leur alimentation, est un exemple d’autoproduction accompagnée. L’article qui suit de François Cottreel est un autre exemple d’autoproduction accompagnée dans le secteur de ce que l’on appelle l’auto-réhabilitation des logements. Nicolas Hulot en annonçant sa démission à France Inter le 28 août 2018 déclarait : « On veut rénover 500 000 passoires thermiques [par an]. Or on a abaissé de moitié les moyens pour rénover ces bâtiments. Je sais déjà…que l’on ne pourra pas atteindre ces objectifs ». Depuis que l’objectif de rénovation des 500 000 logements a été annoncé sous François Hollande on est resté très loin de cet objectif. Nicolas Hulot souligne à juste titre la nécessité d’accroître les moyens financiers, mais les partisans de l’auto-réhabilitation accompagnée sont convaincus par les enquêtes de terrain qu’ils ont réalisées, que faire avec les habitants et non seulement pour eux contribuerait à combler le fossé entre les objectifs et la réalité. GR. 

Obtenir un diplôme en rénovant son logement
C’est la démarche proposée par le Campus de Formation Compagnonnique (C.F.P.C.) de Brive à la Région Nouvelle Aquitaine dans le cadre du dispositif Chantiers Formation-Qualification « Nouvelle Chance ».  Dix locataires du parc de logements sociaux de « Corrèze Habitat » ont ainsi bénéficié d’une formation à la rénovation de leur propre appartement afin d’obtenir une certification professionnelle. Une initiative innovante qui cumule les avantages aussi bien pour les participants que pour le bailleur. 

Ils peuvent nous en apprendre

Ils ne se parlaient pas, habitaient le même quartier, se trouvaient dans des situations de précarité importantes et ne connaissaient absolument rien aux métiers du bâtiment. Après quelques mois de chantier, d’abord dans un logement témoin de 90 m² mis à disposition par le bailleur, puis dans leur propre logement, ils peuvent nous en apprendre sur la façon de poser du papier-peint ou du parquet flottant. Ils sont tout aussi capables d’expliquer les subtilités entre un rouleau maroufleur, une brosse plate ou une cale à poncer. 

Sous la conduite d’un formateur, les stagiaires ont bénéficié de cours théoriques et pratiques pendant 12 mois. C’est pas facile lorsqu’on s’adresse à des stagiaires de culture et de langue différente, mais par une pédagogie adaptée, que l’on soit Éthiopien, Kosovar, Ukrainien, Afghan, Soudanais, Mahorais ou Corrézien, chacun y a trouvé son compte. « Cela m’a permis de rencontrer de nouvelles personnes, d’apprendre des mots », confirme Elvis, Kosovar de 27 ans. Devant les journalistes et les caméras de la télévision régionale, Réhéma, une Mahoraise de 32 ans, se réjouit du résultat obtenu : « C’est tellement appréciable de se dire que l’on est capable de faire ça de ses mains ». Au fil des semaines, les logements se sont transformés. Soffiata, une autre mahoraise en a profité pour personnaliser une chambre aux couleurs du F.C. Barcelone, l’équipe de football préféré de son fils. Eric, la cinquantaine passée, s’est fait aider par un jeune stagiaire hébergé en C.H.R.S. pour peindre, tapisser et poser le parquet flottant dans l’appartement totalement jauni par le temps. 

L’initiative a convaincu

Proposée pour la première fois à Tulle, l’initiative dénommée « A PORTÉE DE MAIN » a convaincu le plus important bailleur de la Corrèze (4800 logements) qui a fourni l’ensemble des matériaux, puis d’autres partenaires locaux et territoriaux se sont associés à la démarche : la ville de Tulle et son C.C.A.S, Tulle Agglo et le Conseil Départemental assurant la prise en charge du suivi social de proximité mis en place par le C.F.P.C. et assurant la transmission des écogestes. La Fondation de France a également proposé son soutien dans le cadre de son programme Habitat. De son côté la Région Nouvelle Aquitaine a apporté les moyens nécessaires au fonctionnement du dispositif ainsi qu’une rémunération mensuelle aux stagiaires selon les critères d’âge et d’éligibilité au régime d’assurance chômage. 

Grâce à la participation régulière et aux échanges mensuels entre acteurs du projet réuni en comité technique, des réponses techniques et sociales ont pu être trouvées pour chaque situation individuelle. Le temps du chantier est aussi un temps où des situations complexes peuvent être dénouées.  

Un diplôme à la clé

S’il est un avantage que la formation présente, c’est celui de proposer aux stagiaires de valider leurs acquis par un diplôme. Tous étaient demandeurs d’emploi lorsque la formation a débuté et pourront, s’ils le souhaitent, chercher du travail dans le bâtiment. « Ce secteur m’a toujours intéressé, j’aimerais donc pouvoir y travailler », espère Oleg, l’un des dix volontaires. 

A l’issue de la formation, les bénéficiaires auront la possibilité de valider des compétences du titre professionnel d’agent d’entretien du bâtiment. « Notre volonté, c’était aussi de favoriser leur employabilité », note Daniel Freygefond, le directeur du C.F.P.C. de Brive. 

Inciter les locataires à « s’approprier leur logement »

Pour Corrèze Habitat, le bailleur, l’avantage est aussi non négligeable. En plus de voir certains de ses logements bénéficier d’un coup d’éclat, l’initiative permet « d’inciter les locataires à s’approprier leur appartement », considère Jean Paul Deveix, le directeur clientèle. « Ils ont ainsi envie d’en prendre soin. »

Le chantier de réhabilitation pourrait être reconduit

Proposé pour la première fois, le chantier de réhabilitation pourrait être reconduit. « Nous dresserons d’abord le bilan de l’action afin de déterminer si nous pouvons continuer », prévient Daniel Freygefond, directeur du C.F.P.C. « Nos partenaires ont en tout cas la volonté de nous aider à pérenniser le dispositif. »