Menace islamiste.

Islam
Après la décapitation de Samuel Paty, Alain Caillé, à l’occasion d’un débat interne au Club des convivialistes, rappelait les données suivantes qui illustrent la rupture entre une partie des populations se réclamant de l’islam et les institutions et normes culturelles françaises. 

  Un sondage de l’IFOP publié le 8 septembre montre que cette rupture est considérable notamment chez les plus jeunes, plus radicaux que leurs aînés. 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans affirment « mettre l’islam avant la République ». Et 45 % des Français musulmans de moins de 25 ans pensent que « l’islam est incompatible avec les valeurs de la société française ». Dans un article du Figaro du 22 octobre 2020 le directeur du département Opinion de l’IFOP, Jérôme Fourquet, estime à « environ 750.000 personnes la minorité des musulmans épousant la vision du monde véhiculée par les tenants de l’islamisme radical ». Cela ne veut évidemment, et heureusement, pas dire que ces 750 000 personnes seraient prêtes à basculer dans l’action violente même si elles hésitent à la désavouer. Reste quand même un noyau activiste composé de ce que les pouvoirs publics appellent le «haut du spectre » – soit 1500 individus actuellement détenus soit pour appartenance ou pour lien avec une entreprise terroriste soit pour des faits de droit commun mais s’étant radicalisés en prison –, et une deuxième strate constituée de 10.000 à 15.000 personnes recensées dans différents fichiers pour radicalisation. Ces chiffres, nous dit J. Fourquet dans un utile rappel, sont comparables à ce qu’a connu l’Italie avec le terrorisme d’extrême-gauche durant « les années de plomb », de 1960 au début des années 1980, mais tout porte à croire que dans le cas présent l’aspiration à la violence risque de s’accroître fortement et de perdurer bien plus longtemps et profondément qu’en Italie.  Tout cela, on le savait déjà plus ou moins mais sans vraiment savoir, sans vraiment vouloir savoir qu’on le savait. Désormais, après la décapitation de Samuel Paty, nul ne peut plus l’ignorer. 
Deux livres viennent corroborer l’importance du défi à relever pour notre démocratie
Le premier sous la direction de Bernard Rougier a pour titre « Les territoires conquis de l’islamisme »,il est paru aux Presses Universitaires de France en janvier 2020. Bernard Rougier est professeur des universités à Paris 3/Sorbonne nouvelle et directeur du Centre des études arabes et orientales. Ce n’est pas l’islam en soi qu’étudie ce livre mais une interprétation idéologique particulière : l’islamisme
La première partie du livre intitulée « Idéologies » distingue quatre variantes de l’islamisme. « Ces réseaux religieux ont pour commune particularité de produire un islam en rupture avec la société française, qu’il s’agisse des valeurs constitutives de son pacte social – la République -, des principes de légitimation de son organisation politique et morale – la démocratie libérale – et la définition historique de son modèle de citoyenneté, avec relégation du religieux dans les frontières du privé ». Les représentants autoproclamés de ces réseaux « font également fonction de « contre-Eglise » dans leur critique récurrente des représentants officiels de l’islam de France ». Dans la première partie du livre on trouve également une analyse des livres que peuvent lire les musulmans francophones, un chapitre sur la « question décoloniale et l’islamisme » un autre sur mouvance jihadiste francophone et réseaux sociaux.
La deuxième partie de ce livre est constituée de monographies de quartiers dans la région parisienne, à Toulouse et à Bruxelles. Il est important de souligner que les auteurs de ce livre sont des étudiants du Centre d’Etudes arabes et Orientales de Sorbonne-Nouvelle (Paris3) et de la chaire Moyen-Orient Méditerranée ; dans leur majorité les jeunes auteurs sont des Français d’origine maghrébine ou subsaharienne, eux-mêmes issus des quartiers populaires. « A ce titre, ils ont observé, mieux que quiconque, les modalités idéologiques et pratiques de la prise de pouvoir des islamistes sur l’expression de l’islam en France ». Au lieu de privilégier la dimension individuelle et psychologique, « les monographies présentées suggèrent la constitution de « territoires d’islam » qui mettent en résonance plusieurs « sites » de diffusion et de confirmation du message religieux –mosquées, écoles confessionnelles,  marchés, salles de sport, commerces halal, librairies islamiques, réseaux numériques »  
Le deuxième livre sous la direction de Gérard Davet et Fabrice Lhomme est intitulé « Inch’Allah. L’islamisation à visage découvert. Une enquête Spotlight en Seine-Saint-Denis » Editions Fayard, octobre 2018. 

Les auteurs du livre écrivent : Ce sont les déclarations de François Hollande dans notre livre « Un Président ne devrait pas dire ça… » (Stock 2016) qui nous ont incités à explorer ce terrain glissant et même miné. François Hollande déclarait : « Ce n’est pas l’islam qui pose problème dans le sens où ce serait une religion qui serait dangereuse en elle-même, mais parce qu’elle veut s’affirmer comme une religion dans la République. » Autrement dit ce n’est pas l’islam qui est l’objet de ce livre mais l’islamisme et l’islamisation dans le département que l’on surnomme le « 9-3 » c’est-à-dire la volonté d’appliquer la loi islamique dans divers secteurs de la vie publique et sociale. 

Dans leur préface, les auteurs précisent leur point de vue. Ils affirment : « Non,  vivre sa foi intensément n’est pas contradictoire avec ce fameux principe de laïcité sur lequel se fonde, en matière religieuse, la République française. Oui, établir un lien direct et automatique entre islam, islamisme et djihadisme relève du syllogisme malfaisant et, surtout, de la pure mauvaise foi. A l’inverse, nier que c’est au nom de l’islam qu’islamistes et djihadistes répandent, pour les uns leur idéologie rétrograde, pour les autres, le sang des innocents, s’apparente à de la malhonnêteté intellectuelle… Le débat, à l’évidence, n’est pas simple à mener. »

Les auteurs, qui veulent faire entendre une voix raisonnable, renvoient dos à dos les « ultra-laïcards » et islamophobes avec ceux qui sont souvent qualifiés d’« islamogauchistes ». Les deux ayant en commun « une ignorance du terrain, de la réalité quotidienne, en l’espèce de la vie dans les banlieues populaires ».

Aussi les deux journalistes ont piloté sur le terrain cinq jeunes en formation au Centre de formation des journalistes. « Avec une consigne, simple à expliquer mais difficile à mettre en œuvre : oublier tous les a priori, les clichés, les intox, et en revenir à ce qui fait l’essence même de notre métier : les faits. Décrire un phénomène en l’étayant de témoignages, chiffres inédits, documents et récits incontestables. » Le livre est le résultat de « Huit mois d’enquête en immersion…sur le terrain nuit et jour, des milliers d’heure de travail, presque deux cents entretiens menés auprès d’islamologues, hauts fonctionnaires, policiers, magistrats, responsables communautaires… »

Les différents chapitres du livre sont composés autour de 21 acteurs qui ont témoigné longuement sans se cacher derrière l’anonymat : Le guide qui peut parler de l’évolution au cours des dernières décennies, la préfète déléguée à l’Egalité des chances en Seine St Denis, le flic, la directrice d’école etc. etc. Les nombreux témoins, acteurs, spectateurs ou victimes illustrent l’islamisation en marche. Les auteurs écrivent que leur réponse est à la fois simple et complexe mais qu’il y a bien poussée intégriste, que « oui, l’islamisation est à l’œuvre en Seine-Saint-Denis.» Les journalistes dans leur préface écrivent : « Notre rôle est de documenter l’« avancée » d’un prosélytisme islamique en nous fondant sur des faits, rien que des faits ». Ils écrivent aussi : « Si la loi islamique gagne des parts de marché, c’est souvent pour combler un vide, pallier des carences inacceptables, remédier aux errements de la puissance publique, autant de maux dont souffre la population locale. »