n°= 1 Présentation et charte 11/03/2019

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Présentation des lettres d’information

Cette première lettre d’information a pour objet de présenter l’encyclopédie du changement de cap (eccap.fr) conçue par Guy Roustang, avec la collaboration technique de Jérémy Roustang, à qui s’est ensuite joint Maurice Merchier pour poursuivre son élaboration et assurer son fonctionnement. Les suivantes, au rythme d’une par quinzaine, seront l’occasion pour nous de signaler de nouveaux articles, ou d’attirer l’attention sur un thème déjà traité, éventuellement en  lien avec des événements de l’actualité. 
Il s’agit d’un outil d’information, de formation, et d’expression ouvert à toute personne se reconnaissant et approuvant la Charte constitutive de cet ouvrage collectif.
Le corpus d’articles, classés par rubriques, que l’on peut déjà consulter  nous semble suffisant pour que nous tentions de la diffuser à une plus large échelle. Elle est appelée à être une création permanente ; pour son fonctionnement, nous souhaitons la rapprocher du modèle « Wiki ». Cela signifie que cette lettre est en même temps un appel aux contributeurs, que ce soit pour commenter les articles existants ou en créer de nouveaux. 
Ainsi que son nom l’indique, cette encyclopédie est clairement orientée vers la recherche d’un autre modèle de société, et d’une mutation profonde de notre système économique. Nous attendons des futurs rédacteurs d’articles qu’ils adhèrent aux grandes lignes de cette orientation ; c’est dans cette intention que nous avons rédigé cette charte, lisible ci-dessous.

Charte des citoyens pour un changement de cap.
Nous refusons le type d’économie et de société dans lequel nous vivons, que les orientations de l’histoire récente autant que les perspectives d’avenir ne font que conforter. Nous avons conscience des catastrophes vers lesquelles s’achemine l’humanité, si une action politique vigoureuse n’opère pas ce changement de cap. En tête de ces catastrophes, il y a les défis du réchauffement climatique, de la dégradation de l’environnement, du ravage de la biodiversité. L’énormité de ces questions ne doit pas effacer un autre danger : la mutation anthropologique que le mouvement transhumaniste commence à accomplir.
Nous appelons de façon plus générale à la vigilance et au contrôle de l’application des innovations médicales sur et dans les corps, que la disparition du sens des limites dans nos morales sociales rend dangereuse pour notre espèce.
Nous déclarons indispensable la restauration de la puissance politique, requise pour opérer ces changements, alors qu’on constate au contraire son effacement progressif au profit d’instances non élues, le pouvoir (de fait) judiciaire, l’expertise, et, de plus en plus, des algorithmes masquant les vrais enjeux sociétaux des décisions prises. Ce retour nécessaire du politique ne saurait s’accomplir sans un rétablissement de la confiance du corps social envers ses représentants, qui elle-même dépend de la qualité de la démocratie, minée par les progrès du populisme et la désaffection d’une partie de la jeunesse. Cela requiert de ne pas s’illusionner sur les mirages des déclinaisons numériques de la démocratie participative, qui – si elles peuvent être utiles – ne dispenseront pas d’une réflexion sur les prérequis sociaux et culturels du bon fonctionnement de ce régime politique, qui reste pour nous indépassable.
Une démocratie vivante suppose une éducation à la participation dès l’école, une information indépendante et l’encouragement à la vie associative et à la discussion des affaires locales aussi bien qu’internationales. Les élections n’étant qu’un moment de la vie démocratique. 
Nous refusons l’explosion des inégalités à laquelle nous assistons, et dénonçons la mystification de la théorie dite du « ruissellement », selon laquelle ces inégalités stimuleraient l’économie, et finalement profiteraient à l’ensemble de la population. Au-delà de l’évidente insulte à la justice sociale, ces inégalités produisent en fait l’accaparement d’une proportion effarante des richesses entre les mains d’une caste ultra-minoritaire, mais puissante, dont le destin ne s’inscrit plus dans le monde commun. 
Nous refusons le système économique dont le qualificatif de néolibéral rend le mieux compte, c’est-à-dire un système dont l’impulsion première vient du système financier, qui impose sa logique (le court-termisme, la soif de profits disproportionnés, etc.) à l’ensemble des forces productives, et surtout la mise en concurrence systématique des acteurs économiques, qui déborde sur une multitude de comportements sociaux.
Nous refusons l’imposition de la logique de marché à l’ensemble des opérations économiques, évacuant totalement d’autres modalités traditionnelles de circulation des marchandises, comme l’échange ou le don.
Nous refusons plus encore l’extension du domaine de la marchandise à des pans entiers de la société, notamment l’école, la santé, la culture…  Il est nécessaire de redéfinir des espaces dans lesquels la puissance publique l’emporte sur la logique marchande, faisant prévaloir l’intérêt collectif sur la compétition des intérêts individuels. Nécessaire aussi de redonner vie à la notion de commun, qui permet à des populations de définir des règles pour gérer en commun des ressources partagées en dehors du marché et de l’Etat. 
Nous refusons la dégradation de la culture en « politique culturelle », à savoir l’extension de ce label à des formes de plus en plus triviales, voire vulgaires de divertissement, promues dans les médias, conformément à cet impératif de marchandisation générale de toutes les activités. Cette perversion explique aussi la déformation des représentations imaginaires, l’irruption du virtuel, l’invasion des « fake news », et finalement la dissolution du réel dans le spectacle généralisé. Eric Sadin dans son livre : « La silicolonisation du monde » critique l’irrésistible expansion du libéralisme numérique. Il parle de l’entreprise de désincarnation car l’éradication du sensible représente l’un des objectifs majeurs du programme siliconien. Pour Eric Sadin célébrer le sensible « C’est avant tout se soucier d’accorder une pleine attention à son milieu, aux autres, à soi. »
Nous sommes déterminés à remettre en cause l’invasion de la publicité dans tous les espaces communicationnels, et à déjouer la stratégie des grandes marques, qui s’insinuent dans la sphère culturelle en dissimulant leur véritable objectif, à savoir le renforcement de leur puissance marchande.
Nous sommes déterminés à remettre en cause le dogme de la croissance alimenté par la publicité, qui prétend, grâce à l’augmentation des désirs de consommer, favoriser la création d’emplois. Une autre logique s’impose, celle de satisfaire les besoins essentiels de tous, en économisant les ressources naturelles et en assurant à chacun les moyens d’exister. La qualification sociale, si elle repose en priorité sur l’emploi, doit s’inscrire dans une notion plus large, celle d’activité donnant toute sa place à la participation aux affaires publiques, au développement personnel et aux activités culturelles.   
Nous sommes déterminés à empêcher la dérive vers une société de transparence, voire de surveillance généralisée par la cession aux nouvelles grandes puissances du numérique (les GAFAM) de nos données personnelles, revendues soit à des instances publiques ou privées douteuses, soit aux annonceurs, pour le plus grand profit des uns et des autres, mais aux dépens de nos libertés fondamentales.
Nous sommes déterminés enfin à nous poser la question de façon générale du ralentissement des évolutions économiques, sociales, culturelles et même scientifiques, car il faut prendre conscience que les femmes et les hommes peuvent difficilement s’épanouir dans un contexte de changements incessants et obsédants, qui disqualifient leurs ressources cognitives, relationnelles, ou sentimentales à un rythme qui rend impossible leur renouvellement, ou leur actualisation. Le terme à la mode de « disruption » convient peut-être aux processus numériques, mais sûrement pas aux évolutions humaines.

Visiter le site de l’ECC : www.eccap.fr