Le Transiscope, une cartographie des alternatives

Avenir

Rendre visible les alternatives pour les relier

Depuis des décennies, et peut être même des siècles, les dynamiques de coopération amènent les communautés à tisser des liens et des réseaux. Ces liens sont rendus visibles par des dessins, des schémas et de la cartographie. Avec l’arrivée des outils numériques et notamment de leurs usages coopératifs, sur un fond de carte google ou libre comme OpenStreetMap, les cartographies d’acteurs commencent à se multiplier.

Chaque association crée sa carte des partenaires et des réseaux nationaux et rendent visibles leurs adhérents ou alliés. Le Mouvement des Colibris par exemple lance la carte Près de chez vous1.

A l’échelle des territoires, certains collectifs ont tenté d’y répondre en mutualisant une cartographie des outils numériques. Une tentative a eu lieu à Marseille en 2015 mais elle n’a pas trouvé les ressources et disponibilités humaines nécessaires pour se concrétiser.

En 2017, un collectif de 10 associations et réseaux partage le constat que la multiplication des cartes peut donner le sentiment de dispersion des forces et énergies au service pourtant d’une même ambition : recenser et rendre visible les alternatives citoyennes.

Son projet politique est clair : « Transiscope est un projet politique dont la finalité est l’engagement du plus grand nombre dans des alternatives au système actuel écocide, climaticide et inégalitaire issue d’une société thermo-industrielle, productiviste et capitaliste. Pour transformer nos sociétés, il faut que ces alternatives soient accessibles, reliées, crédibles et fortes, c’est en ce sens que Transiscope veut agir. »

Transiscope est un archipel d’acteurs et de sources

C’est d’abord un collectif de 10 associations ou réseaux nationaux (Alternatiba, les Colibris, l’Assemblée virtuelle, le réseau Animacoop, le RIPESS- Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale solidaire, le Mouvement Utopia, le CAC-Collectif des associations citoyennes, le MES-Mouvement de l’économie solidaire et Asterya) qui ont décidé de s’allier en 2017 autour d’un objet de coopération concret : faciliter les liens entre les cartes. En langage technique, cela s’appelle l’inter-opérabilité ! Cet objectif de les rassembler sur une même carte a été possible en s’appuyant sur des outils numériques libres et grâce à ces technologies, rassembler sur une seule carte ne signifie plus forcément fusionner.

Transiscope est un projet politique au-delà de l’outil mis en place. Cette communauté tente de « tenir » une cohérence entre son organisation, sa gouvernance et les étapes nécessaires à une culture coopérative et son objectif initial : être au service de la visibilité des alternatives citoyennes avec l’appui d’une technologie numérique qu’elle expérimente.

Cette communauté est un archipel au sens de l’imaginaire d’Édouard Glissant. Un archipel d’îles comme autant d’initiatives dont le principe d’action est de respecter l’identité racine de chacune et en l’état, leur propre cartographie mais de permettre de faire vivre les liens, l’identité relation, afin que cet archipel devienne une communauté au service de la coopération et non, le symbole d’un éclatement des forces et donc des énergies.

Des alternatives citoyennes qui fabriquent du Commun

Nourrie de cet imaginaire, les initiateurs de Transiscope fabrique de la coopération à partir de la fabrique d’un outil. Ils ont écrit ensemble une charte2 qui inscrit la raison d’être, les objectifs, les principes de fonctionnement au sein de cette communauté et pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent la rejoindre. Cette communauté de sources cartographiques des alternatives qui acceptent de s’inter-connecter.

Dans la Charte, il est défini ce que nous attendons par le sens de cette notion d’« alternative : « Ces alternatives constituent des réponses concrètes à une crise systémique, que ce soit au niveau local ou au niveau global. Qu’il s’agisse de manière non-exhaustive du changement climatique, des crises sociales ou de solidarités ou encore de la crise du modèle économique capitaliste, ces enjeux sont envisagés comme interconnectés. Elles cherchent à réaliser un ou plusieurs communs. Elles doivent témoigner par leur gouvernance, leur modèle économique, leur organisation du travail ou leurs choix d’investissement qu’elles visent l’intérêt commun et non la réalisation d’un intérêt particulier.»3

Concrètement, des Transiscothon pour se voir et faire ensemble !

La semaine dernière, le 24 et 25 mars à Paris s’est tenu un Transiscothon. Ce format permet des rencontres en présentiel pour se voir en vrai après trop d’usages de la visio et ouvrir des espaces d’échanges sur le projet aux contributeur·ices ne faisant pas partie du comité de pilotage.

Aujourd’hui, cette communauté rassemble une cinquantaine de sources et recense 36000 données visibles sur la carte.

Lors de ces journées, il a été question des 3 axes de la stratégie 2021-2023 pour en faire le bilan et définir la suite.

  • Dynamiser des alternatives sur les territoires
  • Renforcement du projet
  • Renforcement de la coopération

Nous étions présents avec Olivier Picot, mobilisé au CAC, pour partager aussi l’expérience en cours de l’Eccap en commun. Cette évolution du projet vers son articulation auprès des acteurs du numérique des communs nous permet de vérifier notre intuition : il y a un enjeu d’inter-opérabilité entre nos sites, ressources et données.

Aujourd’hui le projet Transiscope se donne deux nouveaux objectifs :

  1. Tisser des liens entre les sources pour mutualiser des ressources, les soutenir et les aider à se développer afin de continuer la visibilisation des initiatives citoyennes
  2. Lancer l’agrégation d’un nouveau type de données : les événements. Le but est de donner des RDVs pour rencontrer toutes ces initiatives, afin d’aider ces alternatives à se développer.

Loin de vouloir développer « dans notre coin » l’Eccap, nous nous connectons à Transiscope pour partager leur expérience numérique et sur les agrégations de ressources sémantiques. Ainsi, nous contribuons à la dynamique des confluences.

Son prochain développement autour du projet Archipelago permettrait d’outiller les territoires et les acteurs pour connecter les personnes, les événements et d’autre ressources et faciliter leur lien.

A partir de ces liens, comment imaginer possible la création d’un « espace » où les controverses peuvent se clarifier, en mobilisant notamment des outils de cartographie pour les rendre visibles et en « tension » ? C’est un enjeu pour demain.

Cet article privilégie les liens internet afin que le lecteur puisse découvrir par lui-même la richesse des réseaux et acteurs mobilisés.

1 https://presdecheznous.fr/ 

2 La Charte de transiscope : ” TRANSISCOPE agrège des alternatives citoyennes. Elles sont à l’initiative d’individus ou de groupes d’individus qui prennent leurs décisions indépendamment de toute administration, parti politique ou institution religieuse”.

3 https://transiscope.org/charte/