n°= 13: La convention citoyenne pour le climat, un anti grand débat. 15/10/2019

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La convention citoyenne pour le climat qui a démarré le premier week-end d’octobre 2019 est un grand défi.

Elle vient compléter notre démocratie représentative (Assemblée Nationale, Sénat) par une dose de démocratie participative. En effet, 150 citoyens ont été tirés au sort qui sont représentatifs de la répartition par âge, formation, lieu d’habitation etc. de l’ensemble de la population française. Une France en petit. Bien sûr il y a un biais, dans la mesure où l’acceptation de participer à six week-ends au cours des mois à venir suppose d’être intéressé par la question à laquelle il va falloir répondre : comment réduire de 40% en 2030 les émissions de gaz à effet de serre de la France par rapport au niveau de 1990 en respectant la justice sociale ? Autre preuve de biais : quand on a demandé aux 150 personnes, qui se sont réunies pour la première fois le 4 octobre, si la question posée les intéressait, ou encore s’ils avaient cherché à s’informer sur le climat pour se préparer à ces week-ends, une grande majorité a manifesté que oui.

L’origine de cette réunion de 150 personnes tirées au sort est venue de personnes ou de groupes conscients de la gravité des défis à relever concernant l’environnement. E.Macron a accepté de lancer cette convention citoyenne pour le climat (CCC) et s’est engagé à ce que les propositions qu’elle ferait seraient soumises soit au vote du Parlement, soit à un referendum, soit traduites en mesures réglementaires.

L’organisation même de cette convention semble donner des garanties sur le sérieux du déroulement des débats et la possibilité d’aboutir à des propositions argumentées. La convention se réunit au Palais d’Iéna, siège du Conseil économique et social, 3ème assemblée de la République. Des personnes compétentes vont suivre tout au long les échanges pour en garder la trace. Au cours du premier week-end, des spécialistes sont déjà venus apporter les connaissances de base nécessaires pour alimenter les débats et aider plus tard à la formulation de propositions, qui seraient rédigées avec l’aide d’un groupe de juristes. Au cours du premier week-end, des experts du climat ont répondu aux questions posées par les participants qui souhaitaient avoir des compléments d’information. Si les participants considèrent que les informations qui leur sont données sont biaisées, ils pourront demander à avoir le point de vue d’autres spécialistes. Les séances plénières seront ouvertes à la presse et les participants sont encouragés à consulter leur environnement social entre les sessions. Loïc Blondiaux (professeur à Sciences Po qui travaille depuis 15 ans sur les enjeux de la démocratie participative) est l’un des trois membres du comité de gouvernance. Il disait à France Inter le 8 octobre qu’il s’agissait d’emmener toute la France derrière les membres de la convention.

Un collège de trois garants suivra l’évolution de la convention. Parmi eux, Cyril Dion réalisateur du film «Demain » et auteur du « Petit manuel de résistance contemporaine »[1]. Il a été avec d’autres à l’origine de cette convention et il a dialogué avec E.Macron sur les raisons d’être de cette convention et ses modalités d’organisation. Interrogé par un journaliste sur les risques de voir le pouvoir politique orienter les débats et leurs conclusions, C.Dion a prévenu qu’il démissionnerait évidemment et le ferait savoir.

A un tournant civilisationnel décisif, peut-être que cette convention sera un grand moment dans notre histoire républicaine ? Peut-être qu’elle viendra contredire la formule célèbre de Jacques Chirac : la maison brule et nous regardons ailleurs ? Peut-être que la France sera avec cette convention un modèle pour les autres nations ? Malgré la difficulté de l’environnement international dominé par le néo-libéralisme, sans parler des climato-sceptiques du genre Trump et Bolsonaro.

Au contraire, peut-être que cette convention sera une nouvelle déception et qu’elle se perdra dans les sables, compte tenu des puissances d’argent[2], de la difficulté d’aller à l’encontre de ce qui fait la dynamique de nos sociétés : la recherche par chacun du toujours plus, la croissance du PIB et des valeurs marchandes qui vont de pair avec la destruction de la nature. Il y a aussi fort à parier qu’E.Macron aura bien du mal à abandonner son rêve d’une France Start-up nation, et que la majorité présidentielle aura peur de prendre des mesures courageuses et difficiles, très difficiles.

Quoi qu’il en soit, on peut espérer que les travaux de cette convention, ses débats, ses controverses sur les solutions envisagées, sera un bouillon de culture. Occasion pour chacun d’entre nous, pour les responsables à tous les niveaux, pour les partis politiques, de regarder en face l’effondrement qui nous menace, si l’on poursuit la fuite en avant. Et si, par malheur, le pouvoir politique actuelle se déjugeait, en ne prenant pas au sérieux les propositions que cette convention devra faire pour répondre à une question qui nous concerne tous, il perdrait toute crédibilité.

Guy Roustang

[1] Collection Domaine du possible, Actes Sud.
[2] Voir l’interview de 31 minutes de Jérémy Désir in Le Media du 20 septembre 2019 : Un ex-banquier révèle l’imposture de la finance. Pour calmer l’opinion et rassurer certains investisseurs, les banques font mine de prendre au sérieux le risque climatique. C’est une mascarade nous dit J.D. qui a démissionné en juillet 2019 de la HSBC faute d’avoir pu persuader sa hiérarchie de la gravité de la situation. Nous recommandons vivement cette interview.