Inégalités et Démocratie

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Deux sources d’information ont alimenté cet article.  Tout d’abord l’Observatoire des Inégalités qui est un organisme indépendant. La dernière édition 2021 de son Rapport sur les inégalités en France est paru en mai et 800 personnes ont contribué à son financement. « Soutenir l’Observatoire des inégalités, c’est participer à éclairer le débat public et aider les acteurs qui combattent la dégradation de notre modèle social ». L’Observatoire travaille en partenariat notamment avec la Fondation Abbé Pierre, la Macif, Alternatives économiques… Il met en lumière les inégalités sociales et constate que la plupart des médias redécouvre régulièrement ces inégalités « pour tout aussi vite les oublier. C’est justement ce qu’il faut éviter ».  

Ensuite le livre « Une brève histoire de l’Egalité » de Thomas Piketty, qui présente en longue durée les évolutions des inégalités entre les classes sociales. Piketty veut mettre à la disposition du citoyen moyen, l’essentiel des gros livres qu’il a rédigés lui-même et aussi quantité de travaux internationaux. Il écrit dans la 4ème de couverture : « Les questions économiques sont trop importantes pour être laissées à une petite classe de spécialistes et de dirigeants. La réappropriation citoyenne de ce savoir est une étape essentielle pour transformer les relations de pouvoir ». Ce petit livre est à la portée de tout le monde avec notamment une quarantaine de graphiques très parlants et bien commentés. 

Un mouvement de long terme vers l’égalité

Piketty souligne qu’au début de 2020, la situation est moins injuste qu’en 1950 ou en 1900. Plus généralement, il pense « qu’il existe depuis la fin du XVIII -ème siècle un mouvement de long terme vers l’égalité » et qu’il s’agit aujourd’hui de poursuivre dans cette voie. La marche vers plus d’égalité s’est toujours faite grâce à des mouvements sociaux qui ont été à l’origine des changements importants : les révoltes paysannes de 1788/1789 ont mené à l’abolition des privilèges de la noblesse, et « c’est la révolte des esclaves à Saint Domingue en 1791 qui conduit au début de la fin du système esclavagiste atlantique ». « Au cours du XXème siècle, les mobilisations sociales et syndicales ont un rôle majeur dans la mise en place de nouveaux rapports capital-travail et dans la réduction des inégalités » mais les mouvements sociaux ne suffisent pas, encore faut-il créer de nouveaux dispositifs institutionnels qui doivent être le fruit de la délibération et de la confrontation des différents points de vue.

La grande redistribution de la période 1914-1980.

Au cours du vingtième siècle, la « grande redistribution » est intervenue au cours de la période 1914-1980. L’impôt progressif s’est imposé en quelques années. Aux Etats-Unis, l’impôt fédéral sur le revenu, « c’est-à-dire le taux applicable aux revenus les plus élevés, passe de 7% en 1913 à 77%en 1918, avant d’atteindre 94% en 1944… ». Il faut bien avoir en tête que sur la période 1932-1980, pendant près d’un demi-siècle, la moyenne est de 81%. Des évolutions spectaculaires ont lieu dans d’autres pays occidentaux (Royaume-Uni, Allemagne, France, Suède) non seulement avec l’impôt progressif sur le revenu mais aussi l’impôt progressif sur les successions.  Grâce à quoi l’Etat social a pu se développer et entraîner des progrès spectaculaires dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la protection sociale. T.Piketty écrit : « Historiquement, c’est le combat pour l’égalité et l’éducation qui a permis le développement économique et le progrès humain, et non pas la sacralisation de la propriété, de la stabilité et de l’inégalité ».   

Le tournant Néo-libéral et la difficulté d’une nouvelle étape vers plus d’égalité et de démocratie.  

La Marche vers l’égalité a été stoppée par la révolution conservatrice et régressive des années 80. Margaret Thatcher au Royaume Uni, Reagan aux Etats-Unis, sont les principales figures du tournant néo-libéral qui a dominé les dernières décennies.  La dérégulation économique et financière a favorisé l’accumulation des portefeuilles financiers et les inégalités de revenus sont reparties à la hausse. 

Un prochain article précisera les conditions d’une nouvelle marche vers l’égalité et une démocratie renouvelée selon T.Piketty. 

Guy Roustang